Merci. Merci d'avoir bravés non seulement les intempéries, mais aussi les consignes sanitaires liées à ce virus. Donc ça me fait plaisir d'être parmi vous, parce que j'ai eu de nombreuses conférences qui ont été annulées ces derniers mois. Et donc je travaille seul, devant mon ordinateur, je fais des recherches. J'écris un livre, là sur Antoine Bruckner pour Buchet-Chastel, qui va paraître donc l'année prochaine et donc je suis ravi de venir vous parler ce soir de Beethoven dont on fête, comme vous le savez le 250ème anniversaire de la naissance cette année, donc il y a eu de nombreux colloques, expositions à Bonn, à Vienne, de nombreuses émissions radiophoniques également. Nous allons nous centrer en fait sur deux points principaux, qui sont d'une part, en quoi Beethoven a été un innovateur, parce qu'il a innové, et on verra que ce n'a pas été le cas par exemple de Mozart, Mozart a été un compositeur absolument génial, mais il n'a innové en rien dans le monde de l'opéra, alors que Wagner, par exemple lui, a considérablement innové. Et puis on va voir aussi en quoi Beethoven était, peut être, considéré comme un humaniste. J'avais fait il y a quelques années, deux ans environ, une conférence qui s'intitulait Beethoven philosophe, en quoi Beethoven pouvait être considéré comme un philosophe. Et bien nous allons voir en quoi aujourd'hui il peut être considéré, à juste titre, comme un humaniste. Alors, en préambule, j'aimerais vous parler de la singularité Beethovénienne. Après tout, chaque compositeur, comme chaque grand peintre, a sa propre personnalité. D'ailleurs, quand on a un peu l'oreille musicale, au bout d'un moment même si on ne connaît pas l’œuvre, on reconnaît le style du compositeur. Et bien, il me semble que la singularité de Beethoven, tient un trois points. Le premier point c'est la façon qu'on reconnaît immédiatement sa musique. On reconnaît Mozart par une certaine fébrilité. Par la grâce aussi. Certains diront le génie facile de Mozart. Mais il n'était pas si facile que ça. Mais il y a une certaine fébrilité chez Mozart, une grâce, une légèreté. Beaucoup de tendresse aussi. Et un prima de la mélodie chez lui. Chez Schubert, une certaine simplicité. Heu... également une certaine fragilité. N'oublions pas que Schubert est mort à 31 ans, plus jeune encore que Mozart, 36 ans. Beethoven, lui, on le reconnaît immédiatement. Comment? C'est la force, qui se dégage de cette musique, c'est la volonté, c'est l'énergie, c'est le dépassement, voire même parfois l'entêtement. Voilà ce qui distingue, Beethoven, me semble-t-il, des autres compositeurs. Il est, on pourrait dire, pour ceux qui connaissent un peu la philosophie de Bergson, Bergson qui a écrit un livre un 1907 l’Évolution Créatrice, Bergson insiste beaucoup sur la notion d'élan vital. Et bien il me semble, que Beethoven, s'il fallait le caractériser, c'est le compositeur de l'élan vital.
Qu'est ce que l'élan vital? et bien justement , c'est une force, c'est une énergie, c'est une volonté qui permet de transcender la souffrance, qui permet de surmonter les épreuves de l'existence. Edgar Morin, le philosophe français Edgar Morin, dans son livre "les philosophes", "mes philosophes", paru en 2011 ,donc en France, explique que Beethoven pour lui est un philosophe parce que dit-il , je le cite "c'est cette façon de prendre la souffrance et la détresse à bras le corps d'une étreinte puissante pour aller chercher la joie". Voilà ce qu'est l'élan vital Beethovénien. Et quand on écoute Beethoven, pour peu qu'on n' ait pas trop le moral, en cette saison où il fait bien sombre et bien pluvieux, et bien, on écoute sa musique, on reprend de l'énergie. Au fond, si on analyse bien dans les grandes lignes sa musique, sa musique propose toujours, enfin souvent, un chemin, un itinéraire. Prenons par exemple la 5e symphonie en ut mineur ou la 9e symphonie en ré mineur. On passe en gros de la tristesse à la joie dans la 9e, du mineur au majeur dans la 5e, également dans la 9e, au fond de l'ombre à la lumière. C'est une trajectoire à la fois musicale et spirituelle. Une leçon de courage pour nous tous. Ca c'est la première singularité Beethovénienne, me semble t il. La deuxième singularité Beethovénienne, c'est que à l'inverse de ses deux grands prédécesseurs Mozart et Hayden, Beethoven se sent investi d'une mission. Les allemands disent c'est un penseur par les sons. Il a eu cette phrase, en 1810, en dialoguant avec l'une des amies de Goethe, du grand Goethe, il a eu cette phrase " la musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie. Elle est l'unique et l'immatérielle entrée vers un monde plus haut du savoir", fin de citation. Ca c'est une phrase que ni Mozart, ni Hayden n'aurait pu prononcer. Le musicologue allemand Arnold Schering en 1936 à Leipzig, a cette phrase, il parle "d'un philosophe de la vie". Pour lui, Beethoven était un philosophe de la vie, à la hauteur disait-il Schering, de Shakespeare, de Goethe et de Shiva. Un autre grand musicologie allemand, professeur à l'université de Berlin, Hermann Haber, a eu cette phrase également à propos de Beethov, il a mis l'accent sur la puissance, je cite," la puissante volonté éthique de Beethoven". Au fond, Beethoven a été un, non seulement un musicien penseur, mais aussi un grand architecte des sons. Tout est parfaitement à sa place dans la musique de Beethoven. C'était un architecte des sons mais cette architecture au fond, elle est au service de ses idées. La musique est toujours, chez lui, ou le plus souvent chez lui, à l'origine d'une idée, d'une intention. Et c'est très manifeste par exemple dans la 5e ou la 9e symphonie. Et puis , n'oublions pas une chose. Vous savez Goethe disait " le contexte crée le texte", c'est à dire comment comprendre, par exemple, Beethoven si on ne replace pas dans le contexte qui est celui, un des Lumières, de la philosophie des Lumières, puisque Beethoven quitte Bonn en 1791, donc vous voyez , on est en pleine période des Lumières, c'est l'époque où disait-on en Allemagne tout le monde lisait Kant, d'ailleurs Beethoven cite souvent Kant dans ses carnets, et c'est aussi l'époque de la révolution française. Donc vous imaginez bien qu'un esprit comme Beethoven ne pouvait pas être indifférent au contexte qui était le sien, autour de lui, à l'époque à laquelle il vivait.
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Merci d'avoir bravé non seulement les intempéries mais également les consignes sanitaires liées à ce virus. Ça me fait plaisir d'être parmi vous parce que j'ai eu de nombreuses conférences qui ont été annulées ces derniers mois. Je travaille seul devant mon ordinateur, je fais des recherches. J'ai créé un livre sur Anton Bruckner pour Buchecha Stel qui va paraître l'année prochaine. Je suis ravi de venir vous parler ce soir de Beethoven. dont on fête, comme vous le savez, le 250e anniversaire de la naissance cette année. Donc il y a eu de nombreux colloques, expositions à Bonn, à Vienne, de nombreuses émissions radiophoniques également. Nous allons nous centrer en fait sur deux points principaux, qui sont d'une part en quoi Beethoven a été un innovateur, par qu'il a innové. Et on verra que ça n'a pas été le cas, par exemple, de Mozart. Mozart était un compositeur absolument génial, mais il n'a innové en rien dans le monde de l'opéra, alors que Wagner, par exemple, lui, a considérablement innové. Et puis on va voir aussi en quoi Beethoven peut être considéré comme un humaniste. J'avais fait il y a quelques années, il y a deux ans environ, une conférence qui s'intitulait « Beethoven philosophe ». En quoi Beethoven pouvait être considéré comme un philosophe? Eh bien nous allons voir en quoi aujourd'hui il peut être considéré, à juste titre, comme un humaniste. Alors, en préambule, j'aimerais vous parler de la singularité bétovenienne. Après tout, chaque compositeur, comme chaque grand peintre, a sa propre singularité. D'ailleurs, quand on a un peu l'oreille musicale, au bout d'un moment, même si on ne connaît pas l'œuvre, on reconnaît le style du compositeur. Et bien, il me semble que la singularité de Beethoven tient en trois points. Le premier point, c'est la façon qu'on reconnaît immédiatement sa musique. On reconnaît Mozart par une certaine fébrilité. par la grâce aussi. Certains diront le génie facile de Mozart, mais il n'était pas si facile que ça. Mais il y a une certaine fébrilité chez Mozart, une grâce, une légèreté, beaucoup de tendresse aussi. Et un primat de la mélodie chez lui. Chez Schubert, une certaine simplicité, également une certaine fragilité. N'oublions pas que Schubert est mort à 31 ans, plus jeune encore que Mozart, 36 ans. Beethoven, lui... On le reconnaît immédiatement. Comment? C'est la force qui se dégage de cette musique. C'est la volonté, c'est l'énergie, c'est le dépassement, voire même parfois l'entêtement. Voilà ce qui distingue Beethoven, me semble-t-il, des autres compositeurs. Il est, on pourrait dire, pour ceux qui connaissent un peu la philosophie de Bergson, Bergson qui a écrit un livre en 1907, L'évolution créatrice, Bergson insiste beaucoup sur la notion d'élan vital. Il me semble que Beethoven, s'il fallait le caractériser, c'est le compositeur de l'élan vital. Qu'est-ce que l'élan vital? Et bien justement, c'est une force, c'est une énergie, c'est une volonté qui permet de transcender la souffrance, qui permet de surmonter les épreuves de l'existence. Edgar Morin, le philosophe français Edgar Morin, dans son livre Les philosophes, mes philosophes, paru en 2011 en France, explique que Beethoven pour lui est un philosophe, parce que dit-il, je le cite, « c'est cette façon de prendre la souffrance et la détresse à bras-le-corps d'une étreinte puissante pour aller chercher la joie ». Voilà ce qu'est l'élanvétale bétovenien. Et quand on écoute Beethoven, pour peu qu'on n'ait pas trop le moral, en cette saison où il fait bien sombre et bien plus vieux, eh bien, on écoute sa musique, on reprend de l'énergie. Au fond, si on analyse bien dans les grandes lignes sa musique, sa musique propose toujours, enfin souvent, un chemin, un itinéraire. Prenons par exemple la Vème symphonie en hutte mineure ou la IXème symphonie en ré mineure. On passe en gros de la tristesse à la joie dans la IXème, du mineur au majeur dans la Vème, également dans la IXème. Au fond... de l'ombre à la lumière. C'est une trajectoire à la fois musicale et spirituelle. une leçon de courage pour nous tous. Ça, c'est la première singularité bétovenienne, me semble-t-il. La deuxième singularité bétovenienne, c'est qu'à l'inverse de ses deux grands prédécesseurs, Mozart et Haydn, Beethoven se sent investi d'une mission. Les Allemands disent que c'est un Tonbénker, c'est-à-dire que c'est un penseur par les sons. Il a eu cette phrase... En 1810, en dialoguant avec l'une des amies de Goethe, du Grand Goethe, il a eu cette phrase « La musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie. Elle est l'unique et l'immatérielle entrée vers un monde plus haut du savoir. » Fin de citation. Ça, c'est une phrase que ni Mozart ni Haydn n'auraient pu prononcer. Le musicologue allemand Arnold Schering, en 1936, à Leipzig, a cette phrase. Il parle d'un philosophe de la vie. Pour lui, Beethoven était un Lebensphilosophe, un philosophe de la vie, à la hauteur, disait-il, de Shakespeare, de Goethe et de Schiller. Un autre grand musicologue allemand, professeur à l'université de Berlin, Hermann Haber, a eu cette phrase également à propos de Beethoven. Il a mis l'accent sur la puissante volonté éthique de Beethoven. Au fond, Beethoven a été non seulement un musicien-penseur, mais aussi un grand architecte des sons. Tout est parfaitement à sa place dans la musique de Beethoven. C'était un architecte des sons, mais cette architecture, au fond, elle est au service de ses idées. La musique est toujours chez lui, ou plus souvent chez lui, à l'origine d'une idée, d'une intention. Et c'est très manifeste, par exemple, dans la cinquième ou dans la neuvième symphonie. Et puis n'oublions pas une chose. Vous savez, Goethe disait « le contexte crée le texte ». C'est-à-dire que comment comprendre, par exemple, Beethoven, si on ne le replace pas dans le contexte qui est celui un des Lumières, de la philosophie des Lumières, puisque Beethoven quitte Bonn en 1791. Donc vous voyez, on est en pleine période des Lumières, c'est l'époque où, disait-on, en Allemagne tout le monde lisait Kant. D'ailleurs, Beethoven cite Kant souvent dans ses carnet. Et c'est l'époque aussi de la Révolution française. Donc vous imaginez bien qu'un esprit comme Beethoven ne pouvait pas être indifférent. au contexte qui était le sien autour de lui à l'époque dans laquelle il vivait. Il a été formé à Bonn et Bonn, donc les 21 premières années de sa vie, Bonn était un foyer non seulement politique, puisque c'était le siège du prince-archevêque de Cologne, qui était d'ailleurs le frère de Joseph II de Habsbourg, mais en même temps c'était un foyer intellectuel, puisqu'à Bonn il y avait une université, il y avait bien entendu des hauts fonctionnaires. qui était au service du prince Archevêque, il y avait un théâtre où on jouait les opéras de Mozart, il y avait également des loges maçonniques, et il y avait sur cette place qui existe encore aujourd'hui, si vous allez à Bonn, vous verrez la Alte Ratausse, qui est tout au fond de la place, là ici, style parfait du baroque du XVIIIe, et bien sur la droite, dans un des bâtiments de droite, il y avait le Zergarten. Et le Zergarten, c'était, on dirait aujourd'hui, un café littéraire. C'est-à-dire qu'on entrait, c'était un café, il y avait une bibliothèque et Beethoven y passait le plus clair de son temps. Et c'est là qu'il a rencontré des professeurs d'université, des hauts fonctionnaires, des francs-maçons. Et là, il y avait un bouillonnement intellectuel, si vous voulez, qui a été le socle, le fermant de sa formation intellectuelle. Alors il y a eu, vous savez, Mozart a eu beaucoup de chance. Parce qu'il avait un père qui était lui aussi un homme des lumières et qui était non seulement musicien, excellent musicien, ayant écrit une méthode de violon et en même temps un excellent pédagogue. Mozart n'est jamais allé à l'école. C'est son père qui lui a tout appris. Beethoven, le pauvre, lui avait un père musicien certes, chanteur à la cour. mais qui buvait beaucoup, voire énormément, et qui n'a pas pu lui transmettre toutes les valeurs, tout le savoir que le père de Mozart a transmis au jeune Mozart. Et il a compensé, si je puis dire, par un certain nombre de professeurs qui ont eu une grande influence sur lui, et notamment le fameux Neffe. que je vais faire figurer ici, qui était organiste, compositeur, un homme des Lumières, franc-maçon également, et qui lui a fait comprendre très vite, si vous voulez, que l'art devait se mettre au service de l'humanité, que l'art était un moyen d'élever, d'éduquer l'homme. Et ça, c'est quelque chose qui poursuivra Beethoven toute sa vie. Alors troisième point, on entend ici ou là que Beethoven était un révolutionnaire. J'ai lu sa correspondance, j'ai lu pas mal d'études sur lui, j'ai rien vu de cet ordre-là. Certes, dans les premières années de sa vie, dans les années 1789-1790, il est possible que certains de ses professeurs à l'université, puisque Beethoven a fréquenté l'université pendant un an à Bonne, en 1789 justement, il est possible que certains de ses professeurs lui aient dit tout le bien qu'il pensait des idéaux de la Révolution française. Donc il est possible qu'au début, il ait embrassé les idéaux de la Révolution française. Mais très vite, il s'en est écarté. Politiquement... Si on regarde un peu ce que Beethoven pensait, même si sa pensée était assez confuse, vous savez souvent les artistes ne sont pas des têtes politiques. Mais il s'y intéressait bien sûr, il critiquait souvent la famille impériale, mais il n'en demeure pas moins que son modèle politique, si vous voulez, c'était la monarchie constitutionnelle à l'anglaise. C'est-à-dire une monarchie contrôlée avec un parlement, une démocratie, avec des droits de l'homme. C'était ça son objectif sur le plan politique. Y voir maintenant de la révolution dans sa musique. Oui, on va voir qu'il a innové, mais il a innové, me semble-t-il, sans renverser la table. Il a innové en s'appuyant sur le socle de ses prédécesseurs. Et après tout, quand on veut innover dans tous les domaines, il est toujours bon de savoir ce que les autres avant nous ont fait, plutôt que de vouloir tout balayer d'un seul coup, d'un seul coup. Par exemple, dans l'Héroïka, dans la troisième, vous voyez sur certaines pochettes de disques, vous voyez Bonaparte, puisque au début il avait intitulé cette symphonie Bonaparte. Mais au fond, Si vous lisez les cinq ou six volumes de Romain Roland consacrés à Beethoven, et Dieu sait si Romain Roland a passé de nombreuses années de sa vie à s'intéresser à Beethoven, eh bien, Romain Roland nous dit que le héros de l'héroïka, ça n'est pas Bonaparte, c'est l'âme de Beethoven lui-même, qui après avoir rédigé un testament à 32 ans, puisqu'à 32 ans il se rend compte qu'il est devenu sourd et que cette sourdité est irréversible, Il écrit donc un testament qu'on retrouvera à sa mort dans un tiroir de la maison de la Schwarz-Panier-Haus à Vienne. Le musicologue allemand Gustav Nothebom remarque que les premières esquisses de l'héroïka datent de cette période du testament d'A. Higenstadt. Il est donc probable, si vous voulez, que cette symphonie héroïque, qui fut un grand coup de tonnerre dans l'histoire de la symphonie, comment dire, de renaissance après une mort symbolique. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si dans cette symphonie vous entendez une marche funèbre. Alors cette marche funèbre, elle n'est probablement pas, comme il l'avait déclaré, une marche prémonitoire de la future mort de Napoléon. Non, cette marche funèbre, elle, me semble-t-il, elle ressort de son intimité. La musique de Beethoven est une musique qui ressort de l'intimité et non pas de la politique ou d'un phénomène social. Il a été révolutionnaire dans son art parce qu'il a gardé globalement ce qu'on appelle la forme sonate. La forme sonate en deux mots, c'est une forme qui est apparue de façon informelle au XVIIe siècle, XVIIIe siècle. que les grands compositeurs ont suivi à la lettre quasiment. Il y a plusieurs principes, il y a trois grands principes dans la forme sonate, c'est que d'une part il y a en général une œuvre, une symphonie, un concerto, un quatuor, une sonate, peu importe, en trois ou quatre mouvements. La plupart des symphonies que vous écoutez en trois voire souvent quatre mouvements, et la plupart des compositeurs s'y sont conformés, même bien après le XVIIIème siècle, Brahms, Schumann, tous ces gens-là, Mendelssohn, quelques rarities et des exceptions, se sont conformés à la forme sonate. la formationnade, c'est que vous avez lors du premier mouvement deux thèmes. Un thème A, un thème B. Le thème A en général est plutôt puissant, plutôt viril, affirmé. Le thème B est plus mélodique, il est plus doux, il est plus lyrique. Et là, il y a une espèce de dialectique qui se forme entre le thème A et le thème B. Et là, les grands compositeurs, justement, savent eux parfaitement jouer avec cette dialectique. Joseph Haydn, qui avait été le professeur de Beethoven, lui avait dit un jour, vous savez, Ludwig, le problème, ce n'est pas le thème, ce n'est pas le thème, c'est la façon dont vous allez le traiter. Après tout, si vous écoutez le début de l'héroïca... .. Bon, ok. C'est un thème d'ailleurs que Beethoven peut être a repris, ou inconsciemment ou consciemment, de Bastien et Bastienne de Mozart. Vous l'entendez parfaitement dans le Bastien et Bastienne, dans l'ouverture de Bastien et Bastienne de Mozart. Ce thème est banal, mais ce qui est extraordinaire, c'est la façon dont il va traiter le thème. Donc il va le métamorphoser, le transformer, le contraster. Vous voyez, c'est ça qui est extraordinaire chez un grand compositeur. C'est la façon dont il traite le thème. Voilà en gros, si vous voulez, les principes de la forme sonate. va jouer avec cette forme sonate. Il va faire évoluer la forme sonate sans la casser, sans la briser. Par exemple, vous avez la dernière sonate pour piano, la plupart de vous connaît, j'imagine, l'Opus 111, deux mouvements. Normalement, forme sonate, c'est trois ou quatre mouvements. Certains de ces quatuor, vous avez jusqu'à sept mouvements. Je crois que c'est l'Opus 131, quatuor Opus 131. Vous avez sept mouvements. On retrouvera ça chez Gustave Mahler aussi. Vous avez des symphonies de Mahler où il y a sept mouvements. Donc là, on élargit la forme sonate et puis parfois on la raccourcit. La forme chez Beethoven, si vous voulez, ce n'est pas un cadre rigide dans lequel il se conforme. C'est un processus en permanente évolution. C'est ça, la forme chez Beethoven. Il la respecte parfaitement, mais c'est un process au service toujours de ses idées. Ceci étant dit, j'en ai fini concernant mon introduction. Nous allons voir en quoi il a innové et bien entendu nous allons prendre quelques exemples. J'aimerais qu'à l'issue de cette réunion entre nous vous rappeliez de certains points sur lesquels Beethoven a innové. Ça sera je pense intéressant mais vous avez déjà sûrement des idées sur le sujet. Alors d'abord, Beethoven lui-même a... a écrit des choses, a dit des choses là-dessus. Il ne s'est pas contenté de reprendre, et Dieu sait si ses deux présécesseurs avaient écrit de la superbe musique, il ne s'est pas contenté de copier ou de singer ses présécesseurs. Non, il a déclaré par exemple dans un de ses carnets intimes, dans le monde de l'art, comme dans la création tout entière, la liberté, le fait d'aller plus loin, sont le but. Vous voyez cette volonté en fait d'aller plus loin, d'apporter quelque chose de nouveau, un souffle nouveau, un élan nouveau. Et puis fin 1802, c'est-à-dire au moment où il compose l'Héroïka, Il a cette phrase qu'il dit à un de ses amis, Krumpholz, violoniste, il lui dit « je veux ouvrir un nouveau chemin ». Je vais ouvrir un nouveau chemin. Et effectivement ce nouveau chemin, il l'a ouvert. Alors, je l'ai appelé l'héritier turbulent. Je vous l'ai dit, il n'a pas renversé la table, mais il a quand même pas mal modifié par rapport à ses prédécesseurs. Deux mots d'abord sur Joseph Haydn, qui a été, je vous l'ai dit, son professeur à Vienne pendant un an. Les deux hommes avaient une espèce de fascination, répulsion, amour, haine entre les deux, parce que Haydn à l'époque était le compositeur le plus connu, mondialement connu, et Beethoven à l'époque était un jeune pianiste virtuose, qui certes avait beaucoup de succès dans les salons viennois, mais qui n'était pas encore considéré comme un grand compositeur, en tout cas pas au niveau de Haydn. Mais sachez que Beethoven, quand il arrive à Vienne, il recopie des passages entiers de certaines symphonies de Haydn, notamment des passages fuguets et certains passages aussi des quatuores de Haydn. Haydn a composé 60 quatuores et là, dans ces quatuores, il fait œuvre lui aussi de beaucoup d'audace, de beaucoup d'innovations harmoniques et rythmiques. Donc il a su, si vous voulez, s'appuyer sur son socle, mais bien entendu, et je l'ai fait figurer en haut, il va plus puissant, c'est plus fort, c'est plus exigeant, c'est plus long. Par exemple l'héroïka dont je parlais tout à l'heure. Une symphonie de Haydn ou de Mozart en général, c'est 30 minutes. L'héroïka, elle dure 50 minutes. Et le jour où a été créé l'héroïka à Vienne. quelqu'un dans le public a dit 50 Kreuser pour que ça cesse. Il en avait assez, il voulait rentrer chez lui au bout d'une demi-heure, il n'était pas habitué à ce que ça dure 50 minutes. Donc on lui reprochait que c'était trop long. Maintenant plus personne ne considère que l'héroïka est trop longue. Surtout que les symphonies de Mahler et de Bruckner font une heure et demie. C'est court par rapport à ça. Mais vous voyez, c'est plus contrasté. Parce qu'il y a un truc pour les musiciens qui est intéressant chez Beethoven, c'est que vous trouvez très souvent chez lui, en marge de la partition, la mention PPPP, pianissimo. mais aussi F F F fortissimo et aussi S F Z sforzando. C'est-à-dire qu'il faut vraiment mettre du poids sur les notes. Et c'est ce qui fait que chez Beethoven, vous avez cette impression effectivement d'une vie bouillonnante, de contraste permanent par rapport à ses prédécesseurs. Alors on va prendre un exemple justement. Alors d'abord pour écouter ces prédécesseurs, parce que pour comprendre ce que Beethoven a fait en termes d'innovation, on va écouter la symphonie 95 en ut mineur intéressant, donc c'est la tonalité de la cinquième symphonie. Et vous allez voir déjà que cette musique, loin du personnage, vous voyez un peu... on l'appelait Papa Haydn, vous voyez, poudré, perruqué, un peu pépère, tranquille, vous allez voir que ce compositeur dans cette symphonie, mais dans d'autres aussi, surtout dans ses quatorres, on entend une musique puissante, assez majestueuse, avec des contrastes, avec des silences, avec des ruptures, c'est déjà très près bétovenien, très près bétovenien, et Beethoven l'a entendu à Vienne cette symphonie. Alors, il y a une différence entre l'orchestre qu'on vient d'entendre et celui de Beethoven. C'est que généralement, c'est peut-être pas forcément le cas ici, chez Mozart et chez Haydn, les bois et les cordes jouent séparément, souvent. Chez Beethoven, c'est le même orchestre gros modo. L'orchestre bétovénien, si on accepte la 9ème, c'est à peu près le même orchestre que ce qu'on vient d'entendre là chez Haydn. Sauf que Beethoven, lui, utilise les bois et les vents dans... la mise en place de ces thèmes. C'est-à-dire que les thèmes sont développés non seulement par les cordes, mais aussi par l'ensemble de l'orchestre, ce qui fait que ça sonne plus fort, ça sonne plus puissant avec à peu près le même nombre de musiciens, finalement. Alors plus long, plus puissant, plus fort, oui, plus exigeant aussi. Beethoven est quelqu'un qui considère que la musique n'est pas un divertissement. Et à partir du moment où la musique n'est pas un divertissement, il demande à ses auditeurs une grande concentration. parce qu'il a une opinion très élevée de la musique. Et la musique, pour lui, il cherche même parfois à heurter, à choquer l'auditeur. Et bien là, on va le voir dans ce quator. Opus 95, numéro 11, en fa mineur, 1810. Et là, vous allez voir à quel point, on a l'impression que c'est un grand bloc de granit, vous voyez, à quel point tout est nerveux, tout est anguleux. C'est une musique, si vous voulez, presque violente, avec des saisures, des contrastes, des ruptures harmoniques. C'est une musique qui ne cherche pas à plaire. Il faut savoir en plus qu'à cette époque, Beethoven était assez en colère, assez frustré, malheureux, parce qu'il avait eu une tentative de mariage avec Thérèse Malfat. et que ça s'était très mal passé, ça n'avait pas pu déboucher. Et peut-être que sous le coup de la colère, il a composé ce premier mouvement. Tout est vraiment, si vous voulez, très âpre dans l'expression et d'une grande modernité. Vous voyez la modernité de cette musique, vous imaginez le public de l'époque. Alors c'était vraiment à la réserve d'une élite dans des salons privés. Mais déjà les musiciens, il avait la chance d'être l'ami du premier violon, Schupanzig, mais les musiciens souffraient beaucoup pour jouer ça. D'ailleurs il lui disait que c'était impossible à jouer. Il avait dit, ne vous inquiétez pas, de toute façon je ne l'écris pas pour maintenant, j'écris pour le futur, pour l'avenir. Il avait déclaré à propos de ses Donc vous voyez là qu'on est dans une conception du temps musical qui est totalement, radicalement différente parce que tout est extrêmement concentré. Alors, ça c'était donc un exemple d'innovation sur le fond et sur la forme. Un autre exemple d'innovation, c'est que dans la forme sonate dont je vous ai parlé tout à l'heure, généralement les quatre mouvements sont séparés. Dans 99% des cas, les quatre mouvements ou les trois mouvements sont séparés. Beethoven dans la cinquième, imagine un pont, une transition entre le troisième et le quatrième mouvement. il n'y a pas de césure, il n'y a pas de rupture entre les deux mouvements, ils vont s'enchaîner parfaitement et là, avec une grande habileté, ils ménagent un suspense. On entend des coups de timbal, les cordes, et on entend le thème de la cinquième, pam pam pam pam au bois, les bois, ce thème d'ailleurs, pam pam pam pam, sol sol sol mi bémol, ce thème d'entrée de la cinquième, on l'entend 267 fois dans la cinquième symphonie. 267 fois. Et on l'entend ici dans le troisième mouvement. Et puis vous allez voir cette transition qui mène en fait, et bien comme je vous disais tout à l'heure, du mineur au majeur. Parce que quand le thème majestueux, héroïque du final surgit, on passe au mode majeur. On passe de l'ombre à la lumière. Voilà comment on passe du troisième au quatrième mouvement sans interruption. Eh bien ça c'est une nouveauté dans le monde de la symphonie. Autre innovation, Beethoven. on pourrait considérer Beethoven comme l'ancêtre du jazz. Il compose dans sa dernière sonnade pour piano, qui est une sonnade d'une grande spiritualité, d'une grande profondeur. Il compose dans la troisième variation, dans un esprit d'improvisation qui était celui qui était le sien lorsqu'il a commencé à Vienne dans les salons viennois. Il compose des variations qui effectivement, il y a des sauts de triolet comme ça, on a l'impression d'entendre du swing. C'est l'ancêtre du jazz dans un esprit d'improvisation. Vous allez entendre. On va d'abord entendre la première variation. Là, on est dans une atmosphère religieuse, on est dans une atmosphère de recueillement. Et puis, dans cette troisième variation, et après, on retrouvera cette atmosphère de recueillement, mais là, dans cette troisième variation, il revient peut-être à ce qui était son esprit d'improvisation de jeunesse très proche du jazz. Quand on écoute cette musique, qu'on ne sait pas que c'est du Beethoven, on peut penser que c'est un jazz man qui a composé cette oeuvre. Alors on revient après à l'issue de cette troisième variation à l'atmosphère de recueillement, de profonde intériorité du tout début. C'est ça qui est extraordinaire. autre innovation qu'on pourrait qualifier de révolutionnaire. Dans sa 9e symphonie, Beethoven choisit d'introduire la voix. Il y a encore des gens qui lui reprochent. À l'époque, Tolstoy ne comprenait pas qu'on puisse introduire la voix dans une symphonie. Mais il était logique qu'il introduise la voix dans une symphonie, puisqu'il veut achever sa symphonie par un hymne. Un hymne, c'est quelque chose qu'on chante ensemble, qu'on entonne tous ensemble. Il était donc logique de faire intervenir la voix. Mais là, il ose un geste que ni Mozart ni Haydn auraient osé. Au début, lorsque le bariton solo prend la parole, la première intervention de la voix, ce n'est pas les paroles de Schiller. Ce n'est pas l'aude à la joie de Schiller. C'est Beethoven lui-même qui nous parle. Oh mes amis, point de ses sons, chantons quelque chose de plus plaisant et de plus joyeux. C'est Beethoven qui s'adresse à l'ensemble de l'auditoire et qui nous parle. Et ça, c'est quelque chose d'absolument novateur et révolutionnaire. Il se met au centre de son œuvre. La voix dans la symphonie, d'autres compositeurs s'en rappelleront. Felix Mendelssohn notamment, quelques années plus tard, dans sa deuxième symphonie, L'Opgesang, et puis surtout Gustav Mahler. Gustav Mahler, dans sa deuxième symphonie, dans sa troisième, dans sa septième, dans sa huitième, il a introduit la voix. Donc, voyez, il a créé des émubles, si je puis dire. Deuxième partie, en quoi Beethoven fut un humaniste? D'abord, lisons sa prose. Vous avez ici une phrase qui, je pense, veut tout dire. Il a 23 ans, il vient de quitter Bonne. Il écrit à son ami Fouquet, « Préceptes, faire le bien chaque fois qu'il est possible. » « Aimer la liberté par-dessus tout. » « Ne jamais nier la vérité. Fusse même devant un trou. » Alors, on a parfois dit ou suggéré que Beethoven était misanthrope. Ils pouvaient être coléreux parfois, c'est vrai. Notamment quand ces cuisinières lui cuisinaient des œufs qu'ils considéraient comme n'étant pas suffisamment frais, il était possible qu'ils jettent les œufs sur ces cuisinières. Bon, les cuisinières de Beethoven ont souffert. Ils pouvaient avoir des colères, mais on va l'excuser si vous voulez, parce que quasiment complètement sourds à 32 ans, mots de tête, mots de ventre, solitaire. Déception amoureuse, il pouvait de temps en temps être un peu en colère. Je pense que nous lui pardonnerons. Mais au-delà de ça, si vous voulez, Beethoven était quelqu'un de généreux. Par exemple, il a dirigé des concerts pour les pauvres, à Graz, en faveur des pauvres, concerts de bienfaisance. Il a dirigé des concerts à Vienne pour les veuves de guerre. Un jour, il discute avec une femme qui avait perdu son enfant. Il lui a joué un extrait d'une sonate pour piano. Il a joué pour elle. Et puis un jour, il a joué aussi pour aider un savetier en difficulté. Donc Beethoven avait un grand cœur. Il pouvait avoir des humeurs, mais il était généreux. Ce n'était pas simplement une empathie théorique, si vous voulez. Il était empathique. Alors, Adorno, Theodor Adorno, un grand intellectuel allemand, sociologue allemand, avait considéré qu'il a consacré un ouvrage sur le sujet, que Beethoven était un compositeur égélien. C'est-à-dire, en fait, que, je cite quasiment mot pour mot Adorno, que Beethoven était une illustration musicale de la pensée de Hegel. Alors, j'en ai parlé avec un certain nombre de mes amis, qui, Dieu merci, sont philosophes, qui ont fait l'école normale supérieure de Paris, on n'a pas trouvé grand-chose. sur le sujet, on pourrait considérer qu'il y a une dialectique entre le mouvement A, enfin le thème A et le thème B dont je vous parlais tout à l'heure chez Beethoven, mais honnêtement, il ne nous semble pas que Beethoven soit un compositeur Hegelien. Par contre, en lisant Schiller, j'ai découvert une chose, c'est que pour moi, Beethoven est un compositeur schillerien. Et là, je voudrais qu'on y consacre un petit peu de temps, parce que en lisant ce qu'on va lire ensemble, on comprendra mieux Beethoven. J'ai lu en allemand d'abord, en français ensuite, le livre qui s'appelle « Lettre sur l'éducation esthétique » de Schiller, un livre qui a été écrit en 1794-1795. Alors je ne sais pas si Beethoven l'a lu ce livre, mais ce que je sais, c'est que la pensée de Schiller que j'ai résumé ici, c'est un livre qui fait 300 pages, je l'ai résumé ici en quelques principes, et bien Beethoven signerait en bas de la page, sans une hésitation. Alors on va le lire ensemble. Première idée, qui est développée dans ce livre, l'artiste doit travailler à l'ennoblissement des autres hommes. Sa vocation est d'embrasser tout l'univers par la pensée et de faire sentir son harmonie aux hommes. On pense là par exemple à la 9ème symphonie. Autre idée développée par Schiller, l'homme ne pourra jamais s'élever à la divinité, mais il peut tendre infiniment vers elle, en aspirant à la vérité et au bien. Autre idée développée dans ce livre, la culture esthétique ouvre à l'homme l'accès à la vie spirituelle, et par la vie spirituelle, celui de la cité raisonnable. L'idée, si vous voulez, c'est que des hommes éduqués, mais pas seulement sur un plan théorique, mais aussi sur un plan esthétique, des hommes qui ont accès à la beauté, seront capables probablement de construire une société plus harmonieuse et plus juste. L'idéal d'humanité est un idéal de plénitude humaine, mais aussi de mesure et d'harmonie. L'harmonie exigeant à son tour de la force et ne pouvant exister que par elle. Et je vous ai dit tout à l'heure que ce qui est au centre, il me semblait dire, de la musique de Beethoven, c'est l'énergie, c'est la force. Et puis enfin, l'octroi de la liberté est la fin vers laquelle s'achemine l'humanité. La liberté politique implique l'existence d'une société d'hommes éduqués, C'est pour ça d'ailleurs que tous les grands philosophes des Lumières se messiaient du peuple. Un peuple qui n'est pas éduqué, c'est un peuple qui peut se montrer violent, voire très violent, et on l'a vu pendant la Révolution française. Alors quelques exemples si vous voulez musicaux qui vont nous montrer à quel point Beethoven effectivement était un humaniste. Alors j'imagine que vous connaissez tous Fidelio, l'opéra, le seul opéra que Beethoven a composé. Il y a deux grandes idées, mon Fidelio. Il y a un, l'idée que l'amour, et en particulier l'amour conjugal est quelque chose d'essentiel et de fondamental qui nous relie à Dieu. Et l'autre idée, c'est que la liberté est quelque chose également d'essentiel. Et d'ailleurs, Beethoven relie les deux dans cet opéra puisque... La femme de Florestan, Eléonore, se grimpe en homme, se fait embaucher dans une prison où son mari est détenu prisonnier politique, et elle finit, après tout un tas de péripéties, par obtenir la libération de son mari. Vous voyez que l'amour et la liberté sont reliés parfaitement dans cet opéra. Ça sera le cas aussi d'Egmont, on va en parler tout à l'heure. Egmont, vous connaissez probablement aussi cette histoire d'Egmont, de ce prince flamand qui lutte contre l'oppression espagnole de Philippe II au péril de sa vie, qui finira dans les jaules de Philippe II et qui finira décapité en place publique sur la Grand Place de Bruxelles. Goethe en fera un drame historique et Beethoven en fera une musique de scène. On va en entendre un extrait dans quelques minutes. Alors d'abord Fidelio. Oui, la liberté est précieuse. mais il y a toujours des ennemis à la liberté. Et les ennemis à la liberté, c'est l'obscurantisme, c'est le fanatisme, c'est la violence, l'arbitraire. Et dans cet opéra fidélio, à l'image de Mozart dans La Flûte Enchantée, puisque dans La Flûte Enchantée, La Reine de la Nuit à l'acte II, si vous me passez l'expression, elle perd les pédales, elle tient pas sa tonalité de D mineur. Elle fait des vocalises que personne ne comprend, à commencer par sa fille qui se dit mais qu'est-ce qui se passe? Et en plus, elle tend un poignard à sa fille, elle lui dit si tu ne tues pas Zarrastro, je te renie à jamais. Donc si vous voulez, on est dans un excès de violence absolument incroyable. La Reine de la Nuit, qui était jusqu'à présent une femme aimante, devient une femme absolument, j'allais dire, inhumaine. Emportée, mû par le désir de pouvoir, la soif de pouvoir qui l'habite. Et bien là, dans le Fidélio, on a un personnage extrêmement inquiétant. et qui montre que Beethoven nous dit attention la liberté n'est pas acquise. La liberté est toujours menacée, il va falloir se battre pour la quérir. Et ce personnage chez Pizzaro, Pizzaro c'est le gouverneur de la prison. Et il a en fait enfermé Florestan parce que en fait ce Florestan remet en cause la terreur imposée par Pizzaro dans la région et il veut lui faire la peau. Il veut l'assassiner. Et au moment où il apprend qu'un ministre libéral arrive dans la prison, il se dit oh là là mes plans vont être remis en cause et donc il fomente sa violence, il crée la haine qu'il a, sa pulsion de mort, sa volonté de tuer Florestan. Et là vous allez voir comment cet orchestre nous dit à quel point Florestan est mu par cette violence aveugle. C'est arbitraire. Alors il dit, à quel instant que celui-ci, Welch Haugenblick, je vais assouvir ma vengeance. Maintenant c'est à mon tour de meurtrir le meurtrier même. À quel instant que celui-ci, je vais assouvir ma vengeance. c'est à destinée qui t'appelle. Triomphe, c'est ma victoire, ma victoire, la mienne. Alors vous allez voir, là aussi, il y a des grands sauts d'orchestre, il y a des violents contrastes d'intensité. Il n'arrive pas à tenir sa voix. Il est dans un état tel, si vous voulez, que même les prisonniers, enfin, les gardiens sont effrayés par la violence qui se dégage de cette musique. Tira tes... Le victime, le victime est le meilleur! .. Alors oui, le fanatisme règne, il règne encore. La liberté est toujours menacée, mais l'homme aspire à la liberté. Et Beethoven le sait. Alors non seulement la liberté c'est une aspiration, mais elle finit toujours par l'emporter. Pourquoi? Parce que dans la musique de Sendeckmond, que Beethoven compose en 1810, vous savez ça, en 1810, et bien... Dans cette musique de scène, on assiste à la décapitation d'Egmont sur la Grand Place de Bruxelles. On entend l'orchestre qui d'un seul coup s'arrête comme ça, après des sonneries de trompettes très stridantes. Et à l'extrême fin de cette musique de scène, on entend une musique très... comment dire, très dynamique, très optimiste, très volontaire. Et c'est ce que Beethoven appelle la Siegeu-Symphonie. C'est-à-dire, c'est la symphonie de victoire. Et Goethe l'avait mis dans son roman, enfin dans son drame historique, il l'avait mis, symphonie de victoire. Et Beethoven a suivi ses préceptes. Et c'est l'idée que si vous voulez, la liberté finalement, elle finira toujours par l'emporter. Parce que Egmont, certes, est décapité, mais ses valeurs... Ces idées, ces principes finiront par l'emporter. Et la tyrannie espagnole sera effectivement rejetée à un moment ou à un autre, quelques années plus tard, dans les Pays-Bas dits espagnols de l'époque, c'est-à-dire la Belgique et la Hollande d'aujourd'hui. Écoutons, si vous voulez bien, cette zygose symphonie qui clôture la musique de Senn Degman. En conclusion, je citerais Eric Orsena, l'écrivain français Eric Orsena, qui a consacré un ouvrage à Victor Hugo. Il s'apprête à consacrer un ouvrage à Beethoven. Finalement, il compare un peu Victor Hugo et Beethoven, et il les qualifie tous les deux, je cite, de génies fraternels. Victor Hugo et Beethoven ont été deux grands génies fraternels. et il ajoute « Ces deux grands génies s'adressent à nous ». Et ils nous disent, je cite, « C'est dur, mais tu peux y arriver ». La grandeur de Beethoven est une grandeur agissante. C'est un élan, c'est une volonté, c'est une énergie qui nous donne à nous tous le courage d'avancer. Je citerai en conclusion son ami chef d'orchestre, Et à propos de Beethoven, après sa mort, il a eu cette phrase, je cite, « rectitude, haute moralité, droiture de sentiments, pureté religieuse, signifiait pour lui plus que tout. Ses vertus régnaient en lui et les exigeaient aussi des autres. » Merci de votre attention. infiniment et si vous avez des questions bien entendu ou des observations ou des commentaires ou des ajouts que vous voudriez faire ça sera très intéressant pour moi d'échanger avec vous. Merci infiniment.