Merci. Merci d'avoir bravés non seulement les intempéries, mais aussi les consignes sanitaires liées à ce virus. Donc ça me fait plaisir d'être parmi vous, parce que j'ai eu de nombreuses conférences qui ont été annulées ces derniers mois. Et donc je travaille seul, devant mon ordinateur, je fais des recherches. J'écris un livre, là sur Antoine Bruckner pour Buchet-Chastel, qui va paraître donc l'année prochaine et donc je suis ravi de venir vous parler ce soir de Beethoven dont on fête, comme vous le savez le 250ème anniversaire de la naissance cette année, donc il y a eu de nombreux colloques, expositions à Bonn, à Vienne, de nombreuses émissions radiophoniques également. Nous allons nous centrer en fait sur deux points principaux, qui sont d'une part, en quoi Beethoven a été un innovateur, parce qu'il a innové, et on verra que ce n'a pas été le cas par exemple de Mozart, Mozart a été un compositeur absolument génial, mais il n'a innové en rien dans le monde de l'opéra, alors que Wagner, par exemple lui, a considérablement innové. Et puis on va voir aussi en quoi Beethoven était, peut être, considéré comme un humaniste. J'avais fait il y a quelques années, deux ans environ, une conférence qui s'intitulait Beethoven philosophe, en quoi Beethoven pouvait être considéré comme un philosophe. Et bien nous allons voir en quoi aujourd'hui il peut être considéré, à juste titre, comme un humaniste. Alors, en préambule, j'aimerais vous parler de la singularité Beethovénienne. Après tout, chaque compositeur, comme chaque grand peintre, a sa propre personnalité. D'ailleurs, quand on a un peu l'oreille musicale, au bout d'un moment même si on ne connaît pas l’œuvre, on reconnaît le style du compositeur. Et bien, il me semble que la singularité de Beethoven, tient un trois points. Le premier point c'est la façon qu'on reconnaît immédiatement sa musique. On reconnaît Mozart par une certaine fébrilité. Par la grâce aussi. Certains diront le génie facile de Mozart. Mais il n'était pas si facile que ça. Mais il y a une certaine fébrilité chez Mozart, une grâce, une légèreté. Beaucoup de tendresse aussi. Et un prima de la mélodie chez lui. Chez Schubert, une certaine simplicité. Heu... également une certaine fragilité. N'oublions pas que Schubert est mort à 31 ans, plus jeune encore que Mozart, 36 ans. Beethoven, lui, on le reconnaît immédiatement. Comment? C'est la force, qui se dégage de cette musique, c'est la volonté, c'est l'énergie, c'est le dépassement, voire même parfois l'entêtement. Voilà ce qui distingue, Beethoven, me semble-t-il, des autres compositeurs. Il est, on pourrait dire, pour ceux qui connaissent un peu la philosophie de Bergson, Bergson qui a écrit un livre un 1907 l’Évolution Créatrice, Bergson insiste beaucoup sur la notion d'élan vital. Et bien il me semble, que Beethoven, s'il fallait le caractériser, c'est le compositeur de l'élan vital.
Qu'est ce que l'élan vital? et bien justement , c'est une force, c'est une énergie, c'est une volonté qui permet de transcender la souffrance, qui permet de surmonter les épreuves de l'existence. Edgar Morin, le philosophe français Edgar Morin, dans son livre "les philosophes", "mes philosophes", paru en 2011 ,donc en France, explique que Beethoven pour lui est un philosophe parce que dit-il , je le cite "c'est cette façon de prendre la souffrance et la détresse à bras le corps d'une étreinte puissante pour aller chercher la joie". Voilà ce qu'est l'élan vital Beethovénien. Et quand on écoute Beethoven, pour peu qu'on n' ait pas trop le moral, en cette saison où il fait bien sombre et bien pluvieux, et bien, on écoute sa musique, on reprend de l'énergie. Au fond, si on analyse bien dans les grandes lignes sa musique, sa musique propose toujours, enfin souvent, un chemin, un itinéraire. Prenons par exemple la 5e symphonie en ut mineur ou la 9e symphonie en ré mineur. On passe en gros de la tristesse à la joie dans la 9e, du mineur au majeur dans la 5e, également dans la 9e, au fond de l'ombre à la lumière. C'est une trajectoire à la fois musicale et spirituelle. Une leçon de courage pour nous tous. Ca c'est la première singularité Beethovénienne, me semble t il. La deuxième singularité Beethovénienne, c'est que à l'inverse de ses deux grands prédécesseurs Mozart et Hayden, Beethoven se sent investi d'une mission. Les allemands disent c'est un penseur par les sons. Il a eu cette phrase, en 1810, en dialoguant avec l'une des amies de Goethe, du grand Goethe, il a eu cette phrase " la musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie. Elle est l'unique et l'immatérielle entrée vers un monde plus haut du savoir", fin de citation. Ca c'est une phrase que ni Mozart, ni Hayden n'aurait pu prononcer. Le musicologue allemand Arnold Schering en 1936 à Leipzig, a cette phrase, il parle "d'un philosophe de la vie". Pour lui, Beethoven était un philosophe de la vie, à la hauteur disait-il Schering, de Shakespeare, de Goethe et de Shiva. Un autre grand musicologie allemand, professeur à l'université de Berlin, Hermann Haber, a eu cette phrase également à propos de Beethov, il a mis l'accent sur la puissance, je cite," la puissante volonté éthique de Beethoven". Au fond, Beethoven a été un, non seulement un musicien penseur, mais aussi un grand architecte des sons. Tout est parfaitement à sa place dans la musique de Beethoven. C'était un architecte des sons mais cette architecture au fond, elle est au service de ses idées. La musique est toujours, chez lui, ou le plus souvent chez lui, à l'origine d'une idée, d'une intention. Et c'est très manifeste par exemple dans la 5e ou la 9e symphonie. Et puis , n'oublions pas une chose. Vous savez Goethe disait " le contexte crée le texte", c'est à dire comment comprendre, par exemple, Beethoven si on ne replace pas dans le contexte qui est celui, un des Lumières, de la philosophie des Lumières, puisque Beethoven quitte Bonn en 1791, donc vous voyez , on est en pleine période des Lumières, c'est l'époque où disait-on en Allemagne tout le monde lisait Kant, d'ailleurs Beethoven cite souvent Kant dans ses carnets, et c'est aussi l'époque de la révolution française. Donc vous imaginez bien qu'un esprit comme Beethoven ne pouvait pas être indifférent au contexte qui était le sien, autour de lui, à l'époque à laquelle il vivait.