Je dois réfléchir aux raisons pour lesquelles j'ai quitté le confort de Kuldahar, pour partir vers Val-Profond, là où Iselor* est né. Cela me fait penser aux missions qu'oncle Oswald* et Iselor* lui-même m'avaient confiées.
Lorsqu'Iselor* quitta les rivages de la mer intérieure pour l'épine dorsale du monde, il informa ses compagnons druides qu'il enverrait un disciple pour le remplacer.
C'est pour cette raison que j'étais partie, du moins le pensais-je.
Mais aujourd'hui, assise près d'un bon feu à Mirabar*, je comprends enfin ce qu'Iselor* devait déjà savoir. Je me souviens de tout, dans les moindres détails.
Tout a commencé il y a fort longtemps. En 1310 (treize cent dix), selon le calendrier des Veaux, des éclaireurs de Brinshander*, la plus grande des dix cités, signalèrent la présence de groupes de gobelins. En quelques semaines, une véritable armée de gobelins avait surgi de l'épine dorsale du monde. Au-dessus de cette vague mortelle flottait une bannière ornée de l'horrible chimère à trois têtes.
La milice des dix cités aurait été la seule défense du val si les forces du destin s'étaient liguées contre Brinshander*. Mais Ulbrech* Dinsmor*, le maire de Targos somma le conseil d'envoyer un messager vers les villes portuaires de Luscan* et Pasdhiver.
Luscan* avait déjà ses propres problèmes, mais craignant de fâcheuses répercussions, les capitaines de la ville mirent au point un plan très simple : ils placardèrent dans toute la ville des affiches promettant gloire et fortune. Le travail devenant rare dans ce port du nord, de nombreux mercenaires et malandrins furent attirés vers les navires qui allaient les amener encore plus loin vers le nord.
Ils traversèrent la mer des glaces mouvantes jusqu'au fleuve Shaengard*, se vantant de leurs futurs exploits et rêvant des châteaux qu'ils achèteraient. Perdus dans leurs rêveries, ils ne virent pas les hordes de gobelins et d'orques qui guettaient dans l'ombre.
Seuls quelques navires survécurent à l'assaut. Ceux qui purent remonter le fleuve virent Bremen* en flammes. Une des dix cités venait déjà de tomber. Nombreux se demandèrent, comme je le fais encore souvent, ce que pouvait changer une poignée d'aventuriers face à une telle armée, et dans des circonstances aussi noires...
Les astérisques ( * ) désignent les noms propres pour lesquels l'orthographe est incertaine.