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adelie
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Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria, chargé de recherche à l'IRD, l'Institut de recherche pour le développement, estime qu'aucun parti n'a intérêt ou n'est assez puissant pour obtenir une partition du pays. Hier samedi, Gouvernement et syndicats au Nigeria ont échoué samedi à trouver un accord sur le prix du carburant, au risque d'une extension de la grève générale au secteur pétrolier dans le premier pays producteur de brut d'Afrique, déjà en proie à la violence inter-confessionnelle.

Après ce nouveau blocage, comment peut, désormais, évoluer la situation?

Il faut remettre en perspective ces grèves. Ce n'est pas la première fois qu'il y a des hausses brutales des prix d'essence à la pompe au Nigeria. Systématiquement, cela donne lieu à des manifestations qui souvent tournent à l'émeute en raison de la brutalité de la répression de la police, qui a malheureusement pour habitude de tirer dans la foule.

Ce n'est pas à la base un mouvement émeutier qui aurait pour but de renverser le gouvernement. On n'est pas du tout dans une situation de «Printemps arabe». Le gouvernement est jeune, il vient d'être élu. Certains éditoriaux en France décrivent un pays au bord de la guerre civile, on en est très loin.

La majorité de la population soutient-elle la grève?

Une très grande majorité de la population est furieuse de voir le doublement du prix de l'essence à la pompe. Imaginez la même chose en France. Les hausses du prix de l'essence sont un vieux problème politique. Cependant c'est la première fois que l'on supprime complètement les subventions. Tous les économistes disent qu'elles étaient un contresens économique car le Nigeria, premier pays producteur de pétrole en Afrique, doit importer 80% de sa consommation en payant des produits raffinés au prix du marché.

Ce système révèle toute une économie mafieuse car l'importation de pétrole raffiné profite à une petite clique. De nombreux projets ont été lancés pour créer et développer les raffineries locales (Il y en a quatre actuellement, qui tournent à moins de 30% de leur capacité). Mais aucun n'a abouti.

Quelle est la marge de manœuvre du président Goodluck Jonathan?

Goodluck Jonathan est originaire d'une région pétrolifère du sud et il est accusé d'être orienté dans ses choix politiques. De fait, tous un tas de mesures misent en place par ses prédécesseurs accentuent le principe de dérivation qui permet aux régions riches gérer leurs ressources elles-mêmes. Donc les régions productrices profitent plus de la manne pétrolière.

Les subventions étaient la seule manière pour tous les Nigerians, du nord comme du sud, de bénéficier un tant soi peu de cette manne dont par ailleurs ils ne voient pas la couleur...

En général, depuis que Goodluck Jonathan est élu on lui reproche d'être un président faible. Il ne veut pas heurter les clientèles régionales qui l'ont porté au pouvoir, donc il ne prend aucune décision. La suppression des subventions est un vrai test pour un homme qui est arrivé au pouvoir par un extraordinnaire concours de circonstances, alors qu'il y a encore dix ans c'était un obscur professeur de zoologie. S'il revient là-dessus, il perdra toute crédibilité vis à vis des milieux d'affaires notamment.

Pendant ce temps là, les violences interconfessionnelles continuent dans le nord-est du pays.

Contrairement à d'autres violences interconfessionnelles au Nigeria qui avait entraîné de fortes représailles dans le sud à dominante chrétienne, pour l'instant, ce n'est pas le cas. A cela il y a des raisons très pratiques. En 2000, il y avait eu des violences à Kaduna, une ville du nord, contre des immigrés chrétiens du sud. Lorsque les corps (pour certains mutilés) ont été rapatriés dans le sud, il y a eu des représailles.

Là, les gens qui ont été touchés par Boko Haram à Jos sont des chrétiens autochtones, qui sont enterrés sur place. Si demain Boko Haram s'en prend aux minorités Ddes migrants du sud qui vivent au nord, on peut en revanche craindre un engrenage de la vengeance.

La vraie nouveauté dans l'histoire n'est pas le caractère interconfessionnel des violences, mais la dérive terroriste de la secte. Le recours à des attentats suicides est nouveau au Nigeria. La grosse répression de la secte par l'armée en 2009 a provoqué une fragmentation du mouvement et une entrée en clandestinité avec des cadres qui sont partis à l'étranger et ont été récupérés par la mouvance djihadiste internationale. Pourtant la doctrine de Boko Haram ne correspond pas vraiment au modèle wahhabite: c'est une secte qui endoctrine et a recours à la magie. Certains fidèles de Boko Haram portent des grigris, cela ne ressemble pas vraiment à Al-Qaeda.

Vous ne croyez pas à la guerre civile, mais de nombreux intellectuels, cette semaine, comme notamment le prix Nobel de littérature Wole Soyinka, ont émis cette crainte.

C'est un spectre qui hante tous les Nigerians et qui à mon avis est une des raisons pour laquelle le pays ne va pas imploser. Tant que la génération qui a vécu les atrocités de la guerre du Biafra est vivante, elle peut enseigner aux plus jeunes l'inanité d'un projet indépendantiste.

Les musulmans du nord ne souhaitent pas une partition qui reviendrait à les priver des ressources du sud. Quand aux milieux commerçants Ibo du sud, très impliqués dans la guerre du Biafra, Ils n'ont plus intérêt à voir voler en éclat ce formidable marché commun, avec 160 millions d'habitants, qu'est la fédération du Nigeria. Surtout lorsqu'on sait que l'indice synthétique de fécondité est tel que, d'ici 2050, le Nigeria aura plus de 400 millions d'habitants et sera le troisième pays le plus peuplé du monde après l'Inde et la Chine.

Quand aux groupes qui demandent plus ou moins l'indépendance, ils sont beaucoup moins organisés que les Ibo en 67 et considèrent eux-mêmes qu'ils ont peu de chance de l'obtenir par la méthode militaire.

Avec une forte augmentation de la population et un accroissement des inégalités, ne se dirige-t-on pas vers des troubles permanents?

Le Nigeria est toujours troublé. C'est un pays avec un certain niveau de violence, en permanence. Depuis 2006, plus de 30 000 morts violentes ont été enregistrées, avec tout de même une baisse tendancielle.

Certes, il va continuer de connaître une croissance économique assez forte, avec beaucoup d'inégalités sociales et de violence, mais je ne vois pas pourquoi cela empirerait au point que le pays éclaterait d'ici 20 ans. Les jouent un rôle très structurant dans l'organisation du pouvoir politique, et l'interdépendance économique croissante entre les états de la fédération sont les meilleures garanties contre le risque de partition.

Recordings

  • Le Nigeria est très loin de la guerre civile ( recorded by thomaup ), standard French

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