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Le conseil de guerre épisode 4
Quand Jean-B. et ses frères reviennent du dîner, le petit chien a disparu de leur chambre.

On a fouillé partout, sous les lits, dans le placard à chaussures, la penderie. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin: d’abord la chambre n’est jamais bien rangée, et il était si petit qu’il aurait pu se cacher
- Qu’est-ce qu’on va faire? a demandé Jean-C.
- Il n’a pas pu quitter la chambre, a dit Jean-A.
Préparons un appât, la faim le fera bien sortir de sa cachette.
C’était un bon plan. J’avais déjà lu ça dans une histoire de l’Album des Jeunes qui se passait aux Indes : des chasseurs attachent une chèvre vivante à un piquet pour piéger un tigre mangeur d’hommes.
On a mis les rogatons dans une assiette, bien en vue, et on s’est mis au lit comme si de rien n’était, le drap sur la tête et surveillant l’appât.
— Tu crois que ça va marcher? j’ai murmuré.
- Silence, a fait Jean-A. Tais-toi et guette.

On est restés comme ça pendant une heure, les yeux écarquillés dans l’obscurité et retenant notre respiration.
- Alors ? a demandé Jean-C. en venant aux nouvelles.
- Toujours rien.
- Et si on mettait des rondelles de saucisson dans l’assiette? j’ai proposé. Peut-être qu’il préfère ça à la viande.
Trop risqué, a dit Jean-A. Si on se fait piquer dans la cuisine, on est cuits.
Il faut attendre. Il va bien se décider à sortir.
Une heure plus tard, toujours pas de chiot.
Papa et maman avaient dû aller se coucher, parce qu’on n’entendait plus un bruit dans Tappartement. Les yeux me brûlaient et je commençais à être inquiet.
- Il s’est peut-être glissé dans une de tes chaussures et il s’est asphyxié, a gloussé Jean-A.
- Très drôle, j’ai dit, mais je n’avais pas le cœur à rire.
Soudain, la lumière du plafonnier a jailli.
- Est-ce que vous auriez l'extrême amabilité de m’expliquer ce que fait cette... cette... chose dans mon lit ? a tonné une voix.
On a risqué un œil hors des draps, feignant d’être éblouis comme si on dormait depuis longtemps.
- Qui ça, nous? a articulé Jean A. d’une voix pâteuse.
Papa se tenait sur le seuil, en pyjama, une brosse à dents dans la main droite.
Dans l'autre, suspendu par la peau du cou, il y avait Dagobert, enfin Grognard ou Milou, qui mâchonnait tranquillement une chaussette.
- Pas la peine de jouer les innocents, a dit papa d’une voix glacée. Conseil de guerre. Je vous attends tous les deux au salon.
Ça a vraiment bardé.
On a eu beau pleurer, supplier, papa ramenait dès le lendemain notre chiot à la SPA.
- J’en suis aussi triste que vous, il a dit en revenant. Il avait une bouille bien sympathique, ce corniaud.
- Ils vont le tuer, j’ai sangloté. Ils mettent les chiens dans des sacs et les noient !
- Mais non, a dit papa. Il restera au chenil jusqu’à ce qu’il trouve un maître. Il sera plus heureux dans une maison où il pourra courir tout son saoul. Ici, en appartement, il serait vite devenu neurasthénique. Est-ce que vous comprenez ?
On a fait oui de la tête, mais j’étais désespéré.
Je n’ai rien pu manger de toute la journée. En classe, je me mettais à pleurer pour un rien.
Chaque fois que je passais devant le local à poubelle, je m’attendais à voir surgir en jappant notre petit chiot si pataud, et les larmes me montaient aux yeux.
- Je t’assure qu’il est heureux là-bas, disait maman pour me consoler. Lui aussi a besoin d’amis. Le refuge, c’est comme une grande colonie de vacances pour lui.
Mais je sentais bien à sa voix qu’elle n’en pensait pas un mot.