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MorClych
817 Words / 2 Recordings / 0 Comments
Note to recorder:

Parce que ceci a été écrit par une femme, je préférerais un haut-parleur femmes. S'il vous plaît ne pas lire trop vite! Si vous aimez ce passage et que vous souhaitez enregistrer plus de ce livre, s'il vous plaît faites le moi savoir. Merci!

Autrefois, j'avais un chat, un vieux matou bagarreur qui sautait par la fenêtre ouverte près de mon lit, au beau milieu de la nuit, et m’atterrissait sur la poitrine. Je m’eveillais à moitié. Il venait se coller le crane sous mon nez et se mettait à ronronner, empestant l’urine et le sang. Certaines nuits, il pétrissait ma poitrine nue avec ses pattes de devant, puissamment, le dos arqué, comme s’il s’aiguisait les griffes ou bourrait de coups le ventre de sa mere pour avoir du lait. Et ces matins-là, je me réveillais au jour pour retrouver mon corps couvert d’empreintes de pattes écrites avec du sang; c’était comme si l’on m’avait peinte avec des roses.
Il faisait si chaud que le miroir était tiède au toucher. Je me lavais devant ce miroir dans une vague stupeur, le sommeil torturé de mes nuits d’été flottant encore autour de moi comme un varech. De quel sang s’agissait-il, et de quelles roses? La rose de l’union, peut-être, ou bien la sang du meurtre, ou bien encore la rose de la beauté nue et le sang de je ne sais quel innommable sacrifice, de quelque indicible naissance. Quel était ce signe sur mon corps, emblème ou tache, les clés du royaume, ou la marque de Caïn. Je n’aurais pas su le dire. Non, je n’aurais pas su dire, tandis que je me lavais, et que le sang coulait en sillons, puis s’effaçait pour disparaître enfin, si j’étais en train de me purifier ou de détruire le signe ensanglanté du passage. Nous nous éveillons, mais nous éveillons-nous jamais vraiment, au mystère, aux rumeurs de la mort, à la beauté, à la violence... «On dirait qu’on est juste posés là», me disait une femme l’autre jour, «et allez donc savoir pourquoi».

Ce sont là questions du matin, images que tu rêves lorsque la dernière vague vient te deposer sur le sable au jour lumineux, dans l’air qui te sèche. Tu te souviens encore que quelque chose pesait sur toi, et tu te rappelles ce sommeil courbe contre lequel tu reposais, tout mou, comme un pectin dans sa coquille. Mais l’air durcit ta peau; te voilà debout; tu abandonnes le rivage éclairé pour explorere quelque obscur promontoire et bientôt te voilà perdu dans les frondaisons intérieures, tous les sens aux aguets, et tu ne te souviens plus de rien.
Je pense encore à ce vieux matou, certains matins, quand je m’éveille. Les choses suivent un cours plus paisible à présent; je dors la fenêtre fermée. La chat et nos rites s’en sont allés, ma vie a changé, mais demeure le souvenir d’une espéce de force qui s’exerce sur moi. Je m’éveille dans l’attente, avec l’espoir de voir quelque chose de nouveau. Si j’ai de la chance, peut-être serai-je tirée de mon sommeil par l’appel d’un oiseau que je ne connais pas. Je m’habille à la hâte, imaginant la cour toute bruissante de l’envol de guillemots ou de flamants roses. Ce matin, c’était un canard sylvestre, un carolin, au bord de la riviére. Il s’est envolé puis il a disparu.
Je vis prés d’une riviére qui s’appelle Tinker Creek, dans une vallée des Montagnes Bleues, en Virginie. On nomme parfois l’ermitage d’un anachoréte un ancrage; certains de ces ancrages étaient de simples abris amarrés au flanc d’une église comme une balane à son rocher. Cette maison, ma maison, cramponnée sur la rive de Tinker Creek, me fait penser à l’un de ces ancrages. Oui, c’est bien ancrée au fond rocheux de la rivière qu’elle me retient, c’est ainsi qu’elle me tient, stable dans le courant, à l’ancre pour ainsi dire, face au torrent de lumière qui se diverse. Il fait bon vivre, dans cette maison; on y pense à des tas de choses. Les rivières—la Tinker et la Carvin—c’est un mystère actif, à chaque instant renouvelé. C’est le mystère de la creation permanente, et de tout ce que providence implique: incertitude de toute vision, horreur du definitive, dissolution du présent, ce caractère complexe de la beauté, la force irrepressible de la fécondité, cette présence insaissable de tout de qui est libre, et le défaut, enfin, de toute perfection. Du côté des montagnes, le Mont Tinker et le Mont Brushy, la Butte de Mc Afee et la Montagne de l’Homme Mort, c’est le mystère passif, le plus ancien de tous. Il s’agit là du seul et unique mystère, du simple mystère de la création à partir de rien, mystère de la matière proprement dite, mystère de toute chose, mystère de l’évidence. Les montagnes sont gigantesques, paisibles, elles vous absorbent. Il arrive que l’esprit s’exalte et s’installe au Coeur d’une montagne, et la montagne le retient lové dans ses plis, sans le rejeter comme le font certaines rivières. Les rivières, voilà le monde dans ce qu’il a d’excitant, le monde dans toute sa beauté; moi, c’est là que je vis. Mais les montagnes, c’est là que j’habite.

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  • Le ciel et la terre, simple caprice ( recorded by dot59 ), standard

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  • Le ciel et la terre, simple caprice ( recorded by frenchfrog ), standard

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    Autrefois, j'avais un chat, un vieux matou bagarreur qui sautait par la fenêtre ouverte près de mon lit, au beau milieu de la nuit, et m’atterrissait sur la poitrine. Je m’éveillais à moitié. Il venait se coller le crane sous mon nez et se mettait à ronronner, empestant l’urine et le sang. Certaines nuits, il pétrissait ma poitrine nue avec ses pattes de devant, puissamment, le dos arqué, comme s’il s’aiguisait les griffes ou bourrait de coups le ventre de sa mère pour avoir du lait. Et ces matins-là, je me réveillais au jour pour retrouver mon corps couvert d’empreintes de pattes écrites avec du sang; c’était comme si l’on m’avait peinte avec des roses.
    Il faisait si chaud que le miroir était tiède au toucher. Je me lavais devant ce miroir dans une vague stupeur, le sommeil torturé de mes nuits d’été flottant encore autour de moi comme un varech. De quel sang s’agissait-il, et de quelles roses? La rose de l’union, peut-être, ou bien la sang du meurtre, ou bien encore la rose de la beauté nue et le sang de je ne sais quel innommable sacrifice, de quelque indicible naissance. Quel était ce signe sur mon corps, emblème ou tache, les clés du royaume, ou la marque de Caïn. Je n’aurais pas su le dire. Non, je n’aurais pas su dire, tandis que je me lavais, et que le sang coulait en sillons, puis s’effaçait pour disparaître enfin, si j’étais en train de me purifier ou de détruire le signe ensanglanté du passage. Nous nous éveillons, mais nous éveillons-nous jamais vraiment, au mystère, aux rumeurs de la mort, à la beauté, à la violence... «On dirait qu’on est juste posés là», me disait une femme l’autre jour, «et allez donc savoir pourquoi».

    Ce sont là questions du matin, images que tu rêves lorsque la dernière vague vient te déposer sur le sable au jour lumineux, dans l’air qui te sèche. Tu te souviens encore que quelque chose pesait sur toi, et tu te rappelles ce sommeil courbe contre lequel tu reposais, tout mou, comme un pectin dans sa coquille. Mais l’air durcit ta peau; te voilà debout; tu abandonnes le rivage éclairé pour explorer quelque obscur promontoire et bientôt te voilà perdu dans les frondaisons intérieures, tous les sens aux aguets, et tu ne te souviens plus de rien.
    Je pense encore à ce vieux matou, certains matins, quand je m’éveille. Les choses suivent un cours plus paisible à présent; je dors la fenêtre fermée. La chat et nos rites s’en sont allés, ma vie a changé, mais demeure le souvenir d’une espèce de force qui s’exerce sur moi. Je m’éveille dans l’attente, avec l’espoir de voir quelque chose de nouveau. Si j’ai de la chance, peut-être serai-je tirée de mon sommeil par l’appel d’un oiseau que je ne connais pas. Je m’habille à la hâte, imaginant la cour toute bruissante de l’envol de guillemots ou de flamants roses. Ce matin, c’était un canard sylvestre, un carolin, au bord de la rivière. Il s’est envolé puis il a disparu.
    Je vis prés d’une rivière qui s’appelle Tinker Creek, dans une vallée des Montagnes Bleues, en Virginie. On nomme parfois l’ermitage d’un anachorète un ancrage; certains de ces ancrages étaient de simples abris amarrés au flanc d’une église comme une balane à son rocher. Cette maison, ma maison, cramponnée sur la rive de Tinker Creek, me fait penser à l’un de ces ancrages. Oui, c’est bien ancrée au fond rocheux de la rivière qu’elle me retient, c’est ainsi qu’elle me tient, stable dans le courant, à l’ancre pour ainsi dire, face au torrent de lumière qui se diverse. Il fait bon vivre, dans cette maison; on y pense à des tas de choses. Les rivières—la Tinker et la Carvin—c’est un mystère actif, à chaque instant renouvelé. C’est le mystère de la création permanente, et de tout ce que providence implique: incertitude de toute vision, horreur du définitif, dissolution du présent, ce caractère complexe de la beauté, la force irrépressible de la fécondité, cette présence insaisissable de tout de qui est libre, et le défaut, enfin, de toute perfection. Du côté des montagnes, le Mont Tinker et le Mont Brushy, la Butte de Mc Afee et la Montagne de l’Homme Mort, c’est le mystère passif, le plus ancien de tous. Il s’agit là du seul et unique mystère, du simple mystère de la création à partir de rien, mystère de la matière proprement dite, mystère de toute chose, mystère de l’évidence. Les montagnes sont gigantesques, paisibles, elles vous absorbent. Il arrive que l’esprit s’exalte et s’installe au coeur d’une montagne, et la montagne le retient lové dans ses plis, sans le rejeter comme le font certaines rivières. Les rivières, voilà le monde dans ce qu’il a d’excitant, le monde dans toute sa beauté; moi, c’est là que je vis. Mais les montagnes, c’est là que j’habite.

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