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French Script Request

Guestmaster
Complete / 2604 Words
by wacissa 0:00 - 0:03:39

Deux ans et quelques mois après votre libération, voici votre livre, " Même le silence a une fin ", publié dans la collection blanche de Gallimard, c'est à dire ce qu'on peut imaginer de plus prestigieux, sans doute, dans l'édition française.

C'est un livre euh, un récit très souvent bouleversant, tout le temps émouvant. C'était un livre de violence, c'est un livre, euh, de douleur, c'est un livre d'aventure - je pense à toutes ces tentatives d'évasion, ces marches interminables dans la jungle, mais c'est aussi un livre d'amitié, euh .. d'amour même parfois, d'espoir, et au fond peut-être une formidable leçon euh, d'humanité.
Alors, je voudrais commencer par le, la douleur, la souffrance, quand même. Parce qu'il y a ce premier chapitre, euh, après une de vos premières tentatives d'évasion, où v.. on sent que vous n'arrivez pas à tout dire, de, de ce que vous avez subi comme sévices.

Bon. Je, je pense que euh .. j'ai dit ce qu'il fallait dire. Euh, je crois que ... ça a été un moment très dur, probablement le moment le plus dur dont j'aie eu le souvenir, parce que très humiliant, parce que très dégradant, euh ... Mais une fois que c'était écrit, et que c'était dit, je pouvais euh .. je pouvais raconter le reste, qui est tout aussi difficile. Parce que c'est, ce sont des tas de notions de la douleur différentes. D'étages de la douleur, de couches de douleur. Aussi, de couches de bonheur. Parce que c'est, c'est ce qui est extraordinaire, que dans ce euh ... dans cette expérience de, d'extrême souffrance, euh il y a tout le temps, euh rattaché, euh le visage du bonheur, de la tendresse, euh de la joie, et et complètement accolés, comme si on .. et ça a été une découverte, je crois. Et le..

Les éclats de rire, parfois.

Oui.

Et dans le reste, c'est parfois certaines, certaines scènes où vous avez parfois trouvé chez certains de vos geoliers - bon évidemment, il y a des brutes épaisses, il y a des salauds absolus, et aussi certains d'entre eux qui avaient parfois l'âge de vos enfants .. on vous sent parfois touchée par certains parcours.

Oui, absolument. Absolument. Des êtres touchants. Des êtres en contradiction avec eux-mêmes. C'était .. voyez, bon, c'est une des, des choses qu'il était pour moi indispensable de partager, et c'est cet espèce de, de conscience qu'il n'y a pas de noir et de blanc. On n'est pas divisés entre bons et mauvais. Il y a toujours en nous quelque chose d'extraordinaire. Il y a aussi des tendances, disons de Thanatos, de mort. Euh, ce que j'ai vu, ce sont des personnages qui de temps en temps, euh, qui réussissaient à aller au delà de de de la pression du groupe, qui est terrible, d'une certaine façon bon où nous évoluons depuis notre naissance dans cette espèce de besoin de plaire, de, de, d'être en accord avec euh .. notre entourage.
Et, et ça crée une psychologie de l'attitude sociale de l'homme, qui fait que nous sommes très, très euh, comment dire, sensibles à la pression des autres.

by wacissa 0:03:39 - 0:08:10

C'est le besoin de, des geôliers de plaire aux autres geôliers ?

Oui.

Et aussi, vous le dites, le besoin parmi les captifs de plaire aux geôliers.

Au geôliers. Absolument. Et aussi, de plaire aux captifs. Et donc, ces contradictions entre êtres humains. Euh .. des, des ... qui se retrouvent dans des porte-à-faux, constamment, par rapport à ce qu'on attend d'eux. Alors, les geôliers, les bourreaux, qui doivent se comporter comme des brutes, et qui se retrouvent à avoir des gestes de compassion, d'amitié, des paroles de soutien et de réconfort, et qui sont presque dans la sensation de se.. de, de trahir la Révolution. Cette espèce de ..euh toute..

Et qui se sentent trahis quand vous, vous essayez de vous évader, par exemple.

Oui. Mais qui en même temps se rendent compte que, en fait, il ne sont ... il, il faut qu'ils agissent de cette façon là, parce que sinon ils se trahiraient eux-mêmes. Et, et c'est extraordinaire, cette espèce de conscience dans, dans l'être humain, euh, qu'il y a des choses plus importantes que, que, enfin .. il y a des choses plus importantes que d'autres. Et même, plus importantes que la vie.

Alors c'est l'une, c'est l'une des choses fascinantes de ce livre, cette espèce de véritable économie de la détention, au fond, des des rapports humains euh de solidarité, des rivalités, et ça illustre par exemple euh, je, je pense pour tous ceux qui euh.. bah, on eu tendance à vous voir comme une héroïne, donc forcément comme quelqu'un de, de parfait, euh, toutes ces incompréhensions ensuite euh, avec le livre de Clara Joraz, votre amie et co-détenue. Et, et, et vous l'éclairez d'ailleurs assez vite, au fond, vous montrez que la tension elle a été entre vous .. tout de suite, pratiquement, hein.

Oui, tout de suite. Mais c'était normal, c'était très humain.
Enfin, il faut que les gens s'imaginent euh.. être mise dans une cage, ou dans une boîte, avec euh un collaborateur. Quelqu'un avec qui ils ont une amitié, il s'entendent bien, mais ce n'est pas la personne que l'on choisit pour ... je sais pas, pour faire d'autres activités dans la vie. Et voilà. On doit tout partager, dans un espace très réduit. Avec des ambitions de vie différentes, avec un parcours de vie différent.
Et c'est vrai que, alors que pour moi euh, j'avais mes enfants qui m'attendaient, et j'avais cette espèce de, de, de hantise de revenir à la maison, euh, son, son parcours était différent, parce que très vite elle a compris qu'on sortirait pas de cette jungle. Qu'on était prisonniers de cet enfer, que c'était impossible de faire des kilomètres et des kilomètres dans cet, dans cet environnement très hostile. Et que pour elle, la sagesse était de tout simplement s'adapter.

Alors que vous, vous ne pensiez qu'à vous évader en permanence. Même si vous l'avez entraînée assez souvent dans quelques tentatives.

Oui, oui, elle m'a, elle m'a suivie à plusieurs reprises, et euh, voilà. Et donc...

Et elle vous a suivie.

Oui. On, on, on s'est suivi. Et on s'est .. vous savez, euh, la relation avec Clara a été une relation d'une richesse extraordinaire, parce que euh, il y avait des moments de, de solidarité et de, et de .. comment dire, de, de, de, de, de confidence, et de, de complicité extraordinaires, et de temps en temps il y avait ces ruptures, parce que on était euh .. on était on croulait sous le poids de l'adversité, et que dans cet espace confiné, dans cet espace très petit, le, le seul espace finalement que nous avons réussi à nous créer a été l'espace du silence. Et que ce silence, finalement, euh a bâti un mur entre nous. Et.. et ça a été les circonstances dans ces, dans lesquelles nous avons vécu.

Parce que que je me suis demandé si elle. . au fond elle ne vous en avait pas voulu de l'avoir entraînée, d'être un peu responsable de sa, de sa captivité.

Oui. Je, je pense qu'inconsciemment, ou consciemment, je ne sais pas, elle, elle l'a peut-être euh.. ainsi, euh, si vous voulez, digéré en elle-même. Mais euh... la, la vérité est autre. La vérité est que nous avons .. bon, personne ne pouvait prévoir, elle a voulu venir. Elle a voulu m'accompagner, euh .. .ça a été sa décision, euh ... à partir du moment où nous avons été séquestrées, c'était la décision de personne, c'était une fatalité, et à partir de là, euh, évidemment pour elle c'était très dur. Pourquoi ? Parce qu'elle sentait que .. elle avait été kidnappée à tort, qu'elle n'avait pas de valeur politique, pourquoi alors était-elle là ? Et puis ensuite, les personnes qui étaient restées dans la liberté, euh voulant faire une preuve de, de, de .. un hommage à Clara, l'ont, l'ont désignée comme euh vice-présidente dans une élection dans laquelle nous étions absentes. Et pour elle, ça a été très dur, parce qu'elle a tout de suite compris que avec ce statut qu'on lui donnait par élégance, on la condamnait aussi à devenir quelqu'un de politique, alors qu'elle n'avait pas choisi de l'être.

by casabanglais 0:08:10 - 10:17

Y'a aussi ce qu'on a dit sur vous, sur votre comportement en détention, une certaine forme d'égoïsme qui vous a été reprochée par d'autres co-détenus qui ont écrit aussi des livres après. Je vais vous poser la question mais je... j'ai presque eu la réponse parce que vous l'abordez très honnêtement en disant à un moment donné: "Mon égo souffrait si j'étais dépossédée de ce que je désirais; C'est aussi..."
Oui je pense que c'est... c'est bon la condition humaine. Nous ... De temps en temps dans certaines situations, il y a le meilleur de nous qui vient. Dans d'autres, il y a le pire de nous qui vient. ça arrive aussi avec des personnes. on a des relations avec des gens qui, c'est, c'est le très bon côté, c'est l'ange qui sort et avec d'autres qui vous sortent que le mauvais qui y a en vous. De temps en temps, même dans les familles, vous avez des atomes crochus avec des gens et vous vous entendez bien etça se passe...y a une grande fluidité, de l'énergie. Avec d'autres vous ne pouvez pas vous voir et vous ne savez pas pourquoi parce qu'en fait il n'y a pas d'antécédents. Voilà, on est dans une..., dans une situation aves douze otages; On ne se connait pas, on ne s'est jamais rencontrés auparavant, on n'a rien en commun et on est obligés de vivre ensemble. Bon ben voilà, dans ces circonstances, de temps en temps (il) y a des malentendus. de temps en temps (il) y a des frictions, de temps en temps (il) y a des contradictions. Alors, bon, on peut voir ça. moi j'ai préféré voir autre chose parce que je crois que dans cette situation de détresse, euh ..., on a été le mieux qu'on a pu, on n'a pas été des héros. On aurait voulu l'être, je pense que tous. Et puis il y avait nos circonstances, ce que nous étions mais je pense qu'on a été le mieux qu'on pouvait être et moi je préfère regarder dans ce contexte euh... toutes ces opportunités de grandeur que nous n'avons pas manquées.
Et de dépassement aussi...?
Et de dépassement
.... parce qu'il faut dire que vous avez été capable de faire. L'autre chose fascinante dans le livre, c'est quand même le document sur les FARC, parce que je crois même vous avez dit que six ans et demi avec les FARC, c'était presque un doctorat, je crois que c'est vous qui avez dit ça ...
oui, oui
...sur les FARC. On a le sentiment quand même de quelque chose de totalement irréductible. Est-ce que vous croyez toujours à une satisfaction politique, une solution politique pardon euh... euh... à cette question?
Je pense que c'est le seul chemin. Il n'y aura qu'une solution politique. Les farques sont trop réduites pour pouvoir prétendre à une victoire militaire. Elles n'y arriveront jamais.

by domileiba 10:17 - 14:21

- Euh, donc euh...d'ailleurs la mort du Monojojoi qui était le commandant qui avait imaginé et réalisé notre séquestration, il a été abattu il y a deux semaines par l'armée colombienne, d'une certaine façon, cela prouve cette dégénérescence dans la vocation militaire des FARC. Je crois qu'aujourd'hui parce qu'elles ont choisi de se financer avec le traffic de la drogue elles sont devenues ce qu'elles ont choisi. Elles sont devenues un cartel de la drogue.
- Au début du livre vous êtes capturée parce que votre escorte vous a été supprimée, on est en campagne électorale il faut le rappeler, à l'époque, et à la fin du livre vous êtes sauvée par une opération d'éclat de l'armée colombienne. Pourquoi avoir fait cette demande d'indemnisation au gouvernement colombien qui a choqué beaucoup de gens ?
- Oui, je crois que cà a été une demande qui a été déformée aux yeux de l'opinion publique. Sincèrement je pense que c'est ça. Toutes les victimes du terrorisme ont droit à une compensation. Il y a une loi en Colombie qui le prévoit, ces lois existent partout dans le monde, en France aussi, euh, voilà. Une demande de compensation ne peut pas être présentée comme une attaque en justice à ceux qui vous ont libérée. C'..je compare un petit peu l'idée... vous avez votre maison qui brûle, et vous avez les pompiers qui vous sauvent, et vous allez demander à l'assurance que donc elle prenne ses responsabilités, et on vous dit, ah non, vous pouvez pas faire ça, vous êtes en train de trahir et d'attaquer les pompiers qui vous ont sauvée. Ça n'a rien à voir . Ç a n'a rien à voir.
- Donc vous ne le regrettez pas au fond ?
- Écoutez, je regrette de ne pas avoir eu d'abord la prévoyance de l'expliquer, avec les bons mots, et une fois que ça a été manipulé et déformé, d'avoir été tellement décontenancée par par l'horreur de ce qui arrivait, par ce lynchage médiatique orchestré par le gouvernement qui m'a vraiment pris de surprise, de..de de d'être passée à la défensive sans essayer de véritablement trouver les mots pour faire comprendre aux gens ce qui se passait. Bon voilà, je pense que c'est euh..;
- Une dernière question Ingrid Bettancourt parce qu'il y en aura encore peut-être des dizaines, euh, mais bon je me la suis posée au fond en lisant et surtout à la fin, la libération, le retour à la vie, et je me demandais dans les petites choses, est-ce que quand vous prenez une douche chaude, quand vous êtes dans des draps propres, est-ce que deux ans après, vous ressentez encore quelque chose de spécial ? Ou c'est passé, est-ce que le temps peut tout effacer ?
- Euh... il y a des choses que le temps n'effacera jamais. Heureusement. Euh, hier c'était l'anniversaire de mon fils. Il a eu 22 ans. Quand j'ai ouvert les yeux, j'ai tout de suite pensé à la dernière fois où j'ai fêté son anniversaire dans la jungle. J'étais très malade et j'étais dans un hamac. Et ce jour-là quand je me suis réveillée, je lui ai chanté son anniversaire, euh... dans mon coeur. Et là quand je me suis réveillée, j'ai pris le téléphone. J'ai marqué... euh..
- Y'avait un téléphone
- Y'avait un téléphone, quelqu'un a répondu, c'était pas mon fils, c'était son frère, Sébastien, qui a répondu, qui me l'a passé et j'ai eu un Lorenzo endormi qui me disait "Oui, quoi, maman ?" et je lui ai chanté "Ah merci, je t'aime aussi, au revoir " et je me suis dit c'est merveilleux, c'est... pour moi, c'était... il n'y a que de la gratitude depuis ma libération, de ces moments de contraste, que je vis constamment.
- Merci beaucoup, Ingrid Bettencourt, même le silence a une fin donc euh je sais qu'il s'arrache déjà hein... merci beaucoup c'était l'entretien de France 24, restez sur France 24 pour d'autres infos !

Comments

wacissa
June 13, 2014

Spelling mistake : Clara Joras, not Clara Joraz.
http://en.wikipedia.org/wiki/Clara_Rojas

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