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Australopithecus
Complete / 1332 Words
by AK 0:00 - 5:37

- En effet proche d'un certain désespoir. Seulement, on se trompe sur ce désespoir de Lévi-Strauss quand on y voit une tristesse, quand on y voit une déception. Ce désespoir de Lévi-Strauss, en vérité, il me semble que c'est le même que le désespoir qui anime de l'intérieur la pensée du Bouddha. Il y a une espèce de bouddhisme de Lévi-Strauss. On le voit explicitement à la fin de Tristes tropiques, on le revoit dans le final de L'homme nu. Lévi-Strauss essaye de penser qu'on peut vivre et penser, non pas parce qu'on espère autre chose, non pas pour un avenir toujours illusoire, puisque l'avenir, finalement (c'est ce que Lévi-Strauss pense), l'avenir n'est promis qu'à la mort. Vivre, non pas pour ce qu'on espère, mais simplement pour ce qu'il y a à faire ici et maintenant. En un sens, le contraire de l'espérance, ce n'est pas la tristesse, le contraire de l'espérance, c'est le courage. Et il me semble que le final de l'Homme nu est un beau texte philosophique sur le courage. "Surtout, gardez courage" dit Lévi-Strauss. Je crois que c'est ça l'éthique de Lévi-Strauss.

- Ce qui m'a frappé dans l'intervention, qui m'a beaucoup ému d'ailleurs, de Comte-Sponville, c'est que d'une certaine manière, il répond à une question que me posait Jean-Pierre Vernant à la fin de son intervention, en ajoutant d'ailleurs qu'il ne me demandait pas d'y répondre. Et j'aurais pas peur d'essayer d'y répondre car Jean-Pierre Vernant décèle dans ma pensée une contradiction : d'une part un effort pour comprendre, pour classer, pour aboutir à des idées claires, et d'autre part, la constatation résignée que tout ce travail n'a absolument aucun sens. Et cette contradiction existe, et j'ajouterais qu'elle ne me gêne pas. Elle ne me gêne pas plus que nous ne sommes gênés par cette contradiction dans laquelle le progrès de la pensée scientifique nous oblige à vivre. Car, après tout, si vous me permettez un exemple, quand les physiciens d'aujourd'hui, ou les astronomes, ou les astrophysiciens, nous disent le monde a commencé par une grande explosion il y a ... je ne sais pas, quinze milliards d'années, et avant, il n'y avait ni espace, ni temps, et l'espace et le temps n'ont commencé à apparaître qu'à partir du moment où le monde est lui-même né. Il y a là pour nous tous, pas pour le physicien bien sûr, qui pense au moyen de formules mathématiques, alors ça ne le gêne pas de nous amuser en les traduisant dans le langage de tous les jours de façon approximative. Mais il y a pour nous une constatation qui devrait presque nous amener au désespoir : enfin, si vraiment il faut se convaincre de tout ça, il y aurait de quoi se suicider ou renoncer à vivre. Et ça n'est pas entièrement nouveau, puisque déjà Kant appelait ça des antinomies, et que Pascal était si profondément effrayé (songez au silence éternel de ces espaces infinis) qu'il ne voyait que la foi pour sortir du désespoir où nous pouvions être conduits par ces contradictions. Seulement, Kant, qui admettait très bien les antinomies dans l'ordre de la connaissance, croyait qu'on pouvait y échapper dans l'ordre de la morale et trouver un fondement absolu à la morale si on ne pouvait pas donner un fondement absolu à la connaissance. Et je crois qu'il y a un pas de plus qu'il faut accomplir, et qu'il faut nous résigner à vivre, non pas seulement dans le monde physique, ce que nous faisons tous les jours, mais dans le monde moral, à l'intérieur d'une contradiction insurmontable.

- Je n'ai jamais rencontré Lévi-Strauss. Si la chose devait se faire, je lui demanderais volontiers... il a été professeur de philosophie peu de temps, je crois, deux années peut-être, mais enfin, étudiant en philosophie pendant plus longtemps. Or il y a un philosophe dont je n'ai pas le souvenir qu'il parle : c'est Spinoza. Je voudrais lui demander s'il l'a lu, et si oui, ce qu'il en pense. En effet, la référence philosophique la plus fréquente chez Lévi-Strauss, c'est Rousseau, d'assez loin. Or, autant je comprends bien l'intérêt ethnologique de la pensée de Rousseau, autant d'un point de vue métaphysique, ça cadre assez mal avec certaines des grandes options de Lévi-Strauss, qui sont des options, je dirais d'un rationalisme et d'un matérialisme non réducteur, certes, mais finalement intransigeants. Et il me semble que concernant les grandes options métaphysiques, Spinoza permettrait mieux de rendre compte de la pensée de Lévi-Strauss. Simplement, l'a-t-il seulement lu ? Donc voilà, ma question, ce serait ça : avez-vous lu Spinoza, et si oui, qu'en pensez-vous ?

by Delureco 5:37 - 9:20

- J'ai beaucoup lu et travaillé Spinoza dans mes années d'étudiant de philosophie et je dirais même que c'est grâce à Spinoza que j'ai passé l'agrégation parce que j'avais tiré au sort la leçon la plus abominable qu'un agrégatif puisse penser dans ses cauchemars c'était "y a-t-il une philosophie appliquée, une psychologie appliquée ?" alors que je n'avais pas la plus petite notion ni des tests ni de la pédagogie ni de quoi que ce soit. Bien entendu comme tout bon agrégatif de philosophie je méprisais tout cela et la leçon qui m'a permis d'être reçu était entièrement consacrée à la psychologie appliquée ou à sa possibilité à l'intérieur du système de Spinoza. Euh mais c'est si loin et j'avoue que je n'ai pas ouvert Spinoza depuis cette époque et que d'autre part dans cette opposition qu'il trace avec juste raison entre Spinoza et Descartes je reste profondément sensible, non pas bien sûr aux idées philosophiques de Descartes mais à l'écriture de Descartes. Enfin le Discours de la Méthode, je peux pas lire ça sans avoir les larmes aux yeux. On a jamais parlé philosophie comme ça, avant Descartes, et on a jamais parlé philosophie depuis. Enfin, cette simplicité, cette limpidité, cette gentillesse si je puis dire, vous parliez de Rousseau il y a un instant, le Discours de la Méthode c'est un peu dans l'ordre de la pensée ce que les Confessions sont dans l'ordre de la vie. Je préparais l'agrégation de philosophie et il fallait en ce moment-là, je sais pas si c'est toujours le cas maintenant, avoir un certificat de sciences. Alors ç'aurait pu être la chimie, la physique, la biologie, je choisis l'ethnographie et j'ai débarqué au musée de l'homme, c'était en 49, et je suis devenu l'élève de Claude Lévi-Strauss et aussi de quelques autres notamment André Leroi-Gourhan qui était un merveilleux maître. Alors moi il y a une chose que je ne peux pas oublier, quand on arrivait, ça s'est produit pour moi en 49, ils nous faisaient remplir une petite fiche où on disait ce qu'on savait faire et ce qu'on ne savait pas faire. Alors moi j'avais mis que j'arrivais d'Allemagne, que je faisais des études en Allemagne, donc je lisais l'allemand. Il m'a dit : "Vous lisez l'allemand ? Eh bien écoutez, il y a un ethnographe allemand qui n'est pas traduit, qui s'appelle Gusinde et qui s'est spécialisé il y a 100 ans dans les Fuégiens. Ces Fuégiens ont disparu. Le dernier Fuégien, Zelknam (?), le dernier Zelknam est mort il y a, enfin il est mort en 1920 et, mais y a toute l'oeuvre de Gusinde avec photos, avec documents, c'est une oeuvre admirable. Alors vous allez lire tout ça puis vous nous ferez, à la fin de l'année, un exposé là-dessus. Et par un hasard absolument incroyable, et bien je suis devenu un spécialiste des Zelknam c'est à dire des Fuégiens qui ont disparu. Et là voyez-vous je touchais du doigt un des problèmes les plus graves, les plus intéressants, les plus tragiques, de l'ethnographie qui est la disparition de son objet. Parce que, pour l'ethnographe, une société doit être pure, c'est à dire qu'elle doit fonctionner en circuit fermé et nous donner un modèle non pollué, or ça n'existe plus aujourd'hui. Jean Malaurie vous dira : "Il n'y a plus d'Esquimaux". Effectivement.

Comments

Delureco
Oct. 21, 2013

Sorry, I just made a mistake.
From "Je préparais l'agrégation de philosophie et il fallait en ce moment-là,...", it is not Lévy-Strauss speaking anymore but Michel Tournier. I forgot the carriage return and I have no idea how to modify my transcription. Sorry again.

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