an article from the free daily paper 20 minutes en Suisse
Un Genevois a traversé la moitié de la planète avec un document d’identité annoncé comme volé dans les bases de données mondiales et sans être réellement inquiété.
Les trois semaines de vacances de rêve prévues par Kevin* sur la partie malaise de Bornéo auraient pu s’arrêter au niveau du poste frontière de l’aéroport de Singapour, où il faisait escale. La raison? Le passeport suisse de ce Genevois de 28 ans était inscrit comme volé dans les bases de données mondiales.
Car lors d’un voyage entrepris l’été dernier, Kevin pensait s’être fait ravir son document d’identité et l’avait annoncé comme tel aux autorités suisses. Mais il l’avait retrouvé quelques jours plus tard sans pour autant le signaler au Service des passeports et de la nationalité. Résultat, le document est resté considéré comme volé aux yeux des services d’immigration du monde entier.
Ainsi, au moment où le vacancier s’est présenté au poste frontière à Singapour, mi-juillet, les employés des douanes lui sont tombés dessus après avoir scanné son passeport et remarqué qu’il n’était pas conforme. Ils l’ont donc emmené dans un bureau isolé pour procéder aux investigations d’usage. Une heure et demi plus tard, et après avoir présenté sa carte d’identité et son permis de conduire suisses, Kevin a pu rentrer sur le territoire de la cité-état.
Quatre pays et 20'000 km sans être inquiété
Reste que Kevin devait encore passer en Malaisie et que son passeport n’était toujours pas en règle. Il s’est donc naturellement tourné vers l’ambassade helvétique de Singapour. Mais la réponse qu’il lui a été donné ne l’a pas satisfait. «On m’a proposé de me délivrer un passeport provisoire pour la somme de 120 francs et que je n’aurais pu utiliser que trois semaines, alors qu’il existe des solutions plus simples, moins onéreuses et plus rapides».
Et du temps, le jeune homme n’en avait pas, puisqu’il avait un vol 36 heures plus tard en partance pour Bornéo. Kevin a donc pris le risque de voyager avec son passeport «volé», non sans avoir été mis en garde pas la représentation suisse de Singapour. «C’était un peu inconscient de ma part», reconnaît-il. «Surtout lorsque l’on voyage dans des pays aussi lointains, on ne connaît pas les réactions que les services d’immigrations peuvent avoir et les proportions que peuvent prendre pareil problème. Mais je pense que l’ambassade suisse ne m’a pas fait suffisamment confiance et a fait trainer les choses, plutôt que d’essayer de les régler.»
Et bien lui en a pris puisqu’il n’a plus été inquiété le reste de son voyage. Il a pu traverser les postes frontières de quatre pays sans problème: la Malaisie, Singapour, la Turquie – par laquelle il transitait –, et bien sûr la Suisse. Dès lors, comment expliquer que Kevin a pu parcourir 20'000 km avec un document considéré comme volé? Comment a-t-il pu quitter et entrer sur le territoire helvétique sans rencontrer de problèmes avec les services de douanes suisses?
1'774 faux passeports saisis en 2009
«S’il avait eu un comportement suspect, ou si le visage ne correspondait vraiment pas au document d’identité, un contrôle plus approfondi aurait été pratiqué», explique Michel Bachar, porte-parole des gardes-frontière romands qui s’occupent des contrôles d’identité à l’aéroport international de Genève. Mais dans le cas présent, Kevin a juste fait l’objet d’un contrôle minimal à sa sortie et à son entrée sur le territoire.
Ces vérifications ne sont-elles pas un peu légères, surtout dans un contexte de sécurisation maximale du trafic aérien? «C’est une vérification raisonnablement suffisante», répond Michel Bachar. «On attend des gardes-frontières qu’ils ciblent leurs contrôles, notamment dans le cadre des accords Schengen sur la libre-circulation.»
Le fait que l’information soit parvenue jusqu’à Singapour prouve l’excellente collaboration entre les différents services d'immigration qui ont pu évaluer la dangerosité de ce cas, estime l’officier. Il précise en outre que plus de 1'700 faux documents d’identités ont été saisis l’année dernière en Suisse grâce au travail des gardes-frontière, et que plusieurs dizaines de faux passeports ont été repérés depuis le début de cet été.
*prénom d’emprunt
