Je fais parfois le rêve éveillé de venir vivre à Londres. Ce n'est pas un rêve, puisque je suis éveillé. Vivre à Londres ne m'est pas possible, pour de simples raisons professionnelles et financières (liées, bien sûr).
Mais, contre toute évidence d'immatérialité, je m'abandonne souvent à cette rêverie. J'imagine toute difficulé abolie; je vivrais dans un mews à Chelsie. J'occuperais le basement, comme un sett de blaireau. Le reste de maison, étroite, avec un petit jardin sur l'arrière, serait partagé (je ne serais pas seul).
Comment vivrais-je? Le silence, les jardins, la lecture, la « suspension du jugement », les marches, les pubs, la bibliothèque; ce que je vis parfois dans Londres devenu permanent.
J'atteindrais à l'absence de désir, à l'endormissement de mes facultés, à la non-souffrance, au non-espoir non-désespoir.
Ce serait la chute définitive: du Grand Incendie de Londres en Londres, en lecture quotidienne de Londres, ma ville-rêve, ma ville-langue. Ma ville privée.
Peut-être rien.
