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lissacupid
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Les 30-40 ans sont à bout de souffle. Pour mener de front carrière et vie privée, elles se surinvestissent, multiplient les to do lists… jusqu’à sacrifier leur équilibre. Témoignages de ces trentenaires au bord de la crise de nerfs, et propositions de solutions.

Un sujet sur la fatigue des femmes ? Il s’est imposé après un constat simple. Depuis six mois, plus un entretien ne commence sans que l’interviewée ne souffle : « Je suis épuisée » – variante : « Vous dormez bien, vous ? » Celles qui parlent sont le plus souvent des femmes jeunes, dynamiques, avec enfants en bas âge. Pour cette enquête, celles qui ont accepté de témoigner – de façon anonyme évidemment – ont d’abord proposé de planifier la rencontre… après 19 h 30. Ou le week-end – « pas une minute avant ». Avant d’ajouter : « Je suis au bord du burn out. »

Alors, que se passe-t-il « en vrai » dans la vie de ces trentenaires et jeunes quadras pour qu’une génération entière semble ainsi se retrouver près de l’implosion ? « Les symptômes sont là, explique Cassandre, jeune DG dans l’univers des cosmétiques et mère d’une petite fille d’un an et demi. Souvent, je n’arrive plus à me lever le matin. Je ressens une fatigue de fond, psychologique, un surmenage bien plus pesant qu’ une nuit blanche ou qu’ un bébé qui pleure la nuit. » Saignements de nez, éruption de plaques rouges…, son corps parle aussi, aux prises avec cette décennie où tout est à construire – carrière, famille, maison… « Moi, je suis au-delà de la fatigue, témoigne cette banquière. Je ressens un sentiment d’ éreintement et d’ imperfection, d’ inachèvement constants : j’ ai en permanence l’ impression que je fais tout à moitié, ou que je suis devenue un agenda ambulant. J’ oscille entre un état de vide et d’ explosion. » Sommeil fractionné, to do lists en boucle… « Je suis tellement accablée que cela me rend atone ou odieuse, constate Béatrice, journaliste dans un mensuel parisien. J’ essaie d’être hyperclaire en réunion, mais il y a des jours où rien ne sort. Je me sens Dory dans Le Monde de Nemo ! Les calmants pris pour dormir ou simplement pour redevenir civilisée n’aident pas à plus de clarté… « Je n’ arrive plus à me détendre sans prendre un verre de vin le soir, témoigne notre banquière. Parfois plus d’ un, d’ailleurs… »

Les raisons de cette grande fatigue ? Elles sont évidemment complexes et imbriquées les unes aux autres. L’ organisation (ou la non-organisation) du travail joue un rôle clé : les équipes souvent en sous-effectif, où ceux qui partent ne sont plus remplacés, la crise économique qui, inconsciemment ou non, fait planer la peur de perdre son emploi ; les réunions – certaines femmes interviewées en cumulent parfois jusqu’ à huit heures par jour ; et enfin, le flot ininterrompu d’ e-mails. « J’ ai 37 messages en retard, 103 appels manqués depuis deux jours, 600 e-mails non lus, 11 SMS urgents, 16 appels sur Skype, 8 messages sur LinkedIn et 160 friend requests en retard sur Facebook. Plus mon homme qui m’ écrit sur Whats-App… », liste Chiara, brillante entrepreneuse à la tête de son agence de communication en plein boom. Ajoutez à cela le bruit de l’open space, la coexistence d’un téléphone pro et d’un téléphone perso, mixez le tout : concentration impossible !

À la maison, même quand elles sont aidées par des nounous, des femmes de ménage ou par leurs compagnons, les femmes restent l’ordinateur central du foyer – la « tour de contrôle ». « C’ est à elles qu’incombe la gestion de projet de la vie personnelle : l’ inscription à l’ école, le bien-être de la nounou, la planification des vacances, des dîners », souligne Cassandre. Menus des petits (légumes frais et bio), garde-robe taille 2 ans, contacts des baby-sitters : tout cela s’accumule sur les to do lists. Objectif : être parfaite, partout. Avec cette injonction plus ou moins consciente : « Plus je bosse, plus je suis (importante). » Ou ce que les Américains appellent the cult of overwork, le culte du surtravail. Le chroniqueur économique du New Yorker James Surowiecki, a bien décrit le fonctionnement d’un système qui s’ est emballé en premier lieu dans la finance, où l’ on n’existait que parce qu’ on travaillait « tellement plus » que les autres… Mais il a aussi récemment pointé quelques nouveautés : ainsi, depuis un an, demande-t-on chez Goldman Sachs aux analystes juniors de ne pas travailler « plus de soixante-dix heures par semaine », tandis que le Crédit Suisse les a enjoints de ne pas venir au bureau le samedi. Car plusieurs études américaines ont fini par démontrer que les heures suraccumulées diminuaient au final la productivité et la créativité. Un espoir pour nos trentenaires ?

« L’autre jour, je me suis retrouvée à porter en urgence un énorme sac de vêtements au pressing car je n’ avais plus rien à me mettre pour un voyage d’affaires à Rome trois jours plus tard, se souvient notre banquière. Il était 15 heures, le pressing était fermé, j’ ai couru pour en trouver un autre, juchée sur des talons aiguilles. Puis j’ai dû aller chercher mon fils à l’école car il y avait un problème de nounou, je suis retournée au bureau, hirsute, pour un rendez-vous avec un gros client… qui a souhaité aller boire un verre. J’ai fini ma journée à 21 h 30, vidée. Et parfaitement consciente qu’une règle tacite me demandait, en plus de savoir jongler avec mes dossiers, de me vêtir comme une styliste, de tenir un intérieur aussi beau qu’ un showroom… »

Vide, trop-plein ? Qui tient le curseur ? Et que met-on derrière le terme de fatigue ? Marc Loriol, sociologue, chercheur au CNRS et auteur du Temps de la fatigue. La gestion sociale du mal-être au travail (Éd. Anthropos), l’explique ainsi : « La fatigue liée au travail a toujours existé. On l’appelait différemment – neurasthénie, fatigue chronique… – sans vraiment parvenir à la définir ni à la mesurer. Mais il y a dans la fatigue contemporaine une angoisse de ne pas pouvoir répondre à des injonctions contradictoires. Par exemple, on nous demande de nous dépêcher, et en même temps d’ avoir le plus grand niveau de qualité ; d’ être créatif, sans trop bousculer les règles ; autonomes, mais disciplinés. Les critères objectifs de ce que serait un "bon" travail ne sont pas clairement énoncés, d’où le sentiment de ne jamais être à la hauteur, de toujours devoir faire plus, ce qui accentue encore le perfectionnisme. C’est un cercle vicieux. »

« Ce qui nous tue, confirme Cassandre, c’ est cette tendance actuelle du management à donner d’ une main des responsabilités qu’il retire de l’autre. On offre des titres et des missions ambitieuses sans fournir les moyens de réussir – une équipe digne de ce nom, ou un aménagement des horaires. J’ aimerais ne pas stresser quand je prends des jours de vacances et que l’ entreprise me laisse gérer mon emploi du temps en me faisant confiance sur le résultat final. Au Danemark et aux Pays-Bas, les femmes travaillent au 4/5e ou au 3/5e, et font de très belles carrières. »

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