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jyjy92
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Depuis la loi Besson du 5 juillet 2000, chaque commune de plus de 5 000 habitants est tenue d'aménager une aire d'accueil pour les gens du voyage. Or un grand nombre d'entre elles ne respecte pas l'obligation. Des blocages parfois techniques, mais le plus souvent politiques.

Depuis 2000, la loi prévoit l'élaboration de schémas d'accueil départementaux, en concertation avec la préfecture, le conseil général et les communes concernées. Ces schémas déterminent l'emplacement des aires d'accueil permanentes, des aires de passage pour les rassemblements ponctuels et des terrains familiaux loués aux personnes enracinées dans le territoire. Une fois le schéma validé (ce fut le cas pour la plupart en 2004), les municipalités avaient deux années pour réaliser les équipements programmés ou confier cette tâche à une structure intercommunale. Confrontés à de nombreuses difficultés, les maires ont demandé à l'Etat un délai supplémentaire de deux ans.

Premier bilan en 2008. Selon un rapport ministériel, 42 % des 42 000 places nécessaires ont été aménagées. Ce qui a valu à la France d'être récemment épinglée par le Conseil de l'Europe. Rapporteur de la loi au Sénat en 2000, Pierre Hérisson dénonce aujourd'hui encore "les maires qui traînent les pieds". "Trop d'aires d'accueil n'ont pas été construites sous prétexte qu'il y avait des oppositions des élus ou des habitants, déplore-t-il. Et la loi est inopérante." En effet, elle ne prévoit pas de sanction à l'encontre des maires qui ne respectent pas la loi. C'est alors le préfet qui doit se substituer au maire pour réaliser l'aménagement aux frais des municipalités réfractaires. "Sauf que cette disposition n'a pas été appliquée une seule fois en dix ans", souligne le sénateur.

"UN MANQUE DE VOLONTÉ POLITIQUE"

"Il y a clairement un manque de volonté politique de la part des préfets", s'indigne Philippe Sarre, maire socialiste de Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Le schéma d'accueil de ce département prévoyait 300 places de caravanes. Seules 28 ont été ouvertes à Colombes en 2005. Quatre préfets se sont succédé entre 2000 et 2010 : "Aucun n'a voulu s'engager sur ce dossier. Et ce n'est pas le président du conseil général, un certain Nicolas Sarkozy de 2004 à 2007, qui a accéléré les choses, au contraire. Ce qu'il annonce aujourd'hui, il aurait pu l'appliquer quand il était ministre de l'intérieur et président du conseil général."

Membre de la commission consultative départementale sur les gens du voyage, Philippe Sarre n'a jamais été convoqué. "Il n'y a pas eu une seule réunion entre 2002 et aujourd'hui !" A titre personnel, le maire a appelé ses voisins pour les convaincre : des projets d'aires sont en discussion à Gennevilliers et Clichy.

"Evidemment, c'est un peu compliqué de mettre 50 caravanes à Neuilly ! Le tissu urbain est dense et le prix du foncier élevé. Mais 300 places, réparties sur 36 communes comptant un million d'habitants, c'est rien. Sauf que les communes de droite n'en veulent pas et obtiennent gain de cause", regrette Philippe Sarre. Dans les départements voisins, la Seine-Saint-Denis est en train de réécrire son schéma d'accueil, le premier ayant été annulé pour vice de forme. Longtemps réfractaires, les Yvelines ont doucement ouvert des aires ces dernières années. Trois terrains sont à l'étude dans le département de Paris. L'un d'entre eux est déjà compromis, car cet espace dans le 15e arrondissement serait aussi l'emplacement du futur ministère de la défense.

"Les premiers délinquants ne sont pas les gens du voyage, mais les maires et les préfets", confirme Laurent El-Ghozi, président de la Fnasat (Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les gens du voyage). "Les propos de Brice Hortefeux renforcent les craintes des maires : ils veulent bien une aire chez leur voisin, mais pas chez eux." Terrain inconstructible, incompatibilité avec le plan local d'urbanisme, peurs de la population, coût d'aménagement trop élevé, pression des promoteurs lorsque le terrain est rare : les excuses ne manquent pas. Ni les moyens de dissuader les voyageurs lorsque l'aire existe – un tarif de 8 euros par personne la journée (au lieu de 3 euros en moyenne), une caution qui peut aller de 50 à 250 euros ou un gardiennage 24 heures sur 24, comme à Troyes.

"Il faut inciter les municipalités à mener l'aménagement des aires au sein de structures intercommunales qui disposent de plus de moyens", conseille Marie Bidet, auteure d'une thèse sur l'accueil des gens du voyage. La création d'une aire de 30 places coûte à une commune environ 900 000 euros, dont un tiers pour raccorder l'aire au réseau d'eau et d'électricité. Plus le terrain est loin des habitations, plus cela coûte cher. "L'intercommunalité, c'est plus pratique pour gérer les problèmes à plusieurs et recevoir des aides", poursuit la chercheuse. D'autant que les subventions de l'Etat ont pris fin au 1er janvier 2010, ce dernier ayant limité dans le temps son engagement. Avec les retards pris par l'application de la loi, l'Etat n'a donc financé que les deux tiers des 42 000 places prévues.

"LA LOI, JE M'EN FOUS"

Avec la fin des subventions, il ne reste guère d'incitation à accueillir les gens du voyage, à part le pouvoir d'évacuation. Sans terrain d'accueil en bonne et due forme, les collectivités n'ont pas le droit de déloger un campement sauvage. En revanche, si la commune dispose d'une aire, le maire voit son pouvoir de police renforcé et peut faire évacuer une installation illégale.

Expliquer ces subtilités aux maires est le travail de deux grandes sociétés privées, Vago et Hacienda, qui construisent et gèrent des aires d'accueil. Elles démarchent les élus lors de salons locaux et les accompagnent. "Nous leur expliquons qu'il vaut mieux gérer et réguler le passage, que nettoyer les dégâts d'un camp sauvage", relate Lilian Zanchi, directeur d'Hacienda, qui gère 237 aires pour 6 500 places.

Un troisième acteur, public celui-ci, est en charge de quelques aires d'accueil : il s'agit d'Adoma (anciennement Sonacotra), dont le directeur du département des gens du voyage, Thomas Zuckmeyer, s'avoue parfois "effrayé par les discours des maires. Certains nous disent clairement : 'La loi je m'en fous, je ne veux pas de ces gens chez moi.' Et le clivage gauche-droite ne tient pas sur la question. Nous essayons de leur faire comprendre que les gens du voyage sont des citoyens comme les autres, il faut leur amener de l'eau et de l'électricité comme aux autres habitants".

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