Anaïs était une très jolie petite fille. Nona, sa grand-mère,
l’appelait « mon bijou » et son papa « mon trésor ». Mais sa
maman ne disait rien.
Anaïs avait un sourire lumineux. Nona l’appelait « mon arc en
ciel » et papa « mon rayon de soleil ». Maman ne disait rien.
Anaïs avait de longs cheveux noirs. Nona appelait « mon poney
sauvage » et papa « ma princesse tzigane ». Maman ne disait rien.
Anaïs avait un œil qui regardait le ciel et un œil qui regardait les
pâquerettes. Nona et papa ne disaient plus rien.
Mais maman ne parlait que de ça. Elle ne voyait pas à quel point
Anaïs était belle. Elle ne voyait que ses yeux indisciplinés que ne
voulait pas se tenir à leur place. Et elle pensait que c’était sa faute.
- Quand j’étais enceinte, je mangeais trop de carottes. C’est à
cause de ça...
Nona répondait que les carottes ne donnent que les fesses roses !
- C’est parce que j’avais un gros rhume, disait maman. C’est
sûrement pour ça…
Nona répondait que les rhumes, même les gros, n font que boucher
le nez des mamans.
- Je sais, disait maman, j’avais des soucis parce qu’on n’avait
pas beaucoup d’argent. C’est forcément ça !
Nona répondait que les problèmes d’argent n’embêtent que les
parents.
Nona pouvait dire ce qu’elle voulait, maman continuait de croire
que c’était sa faute si Anaïs n’était pas parfaite.
Anaïs, elle, se moquait de cette histoire. Cela ne la gênait pas du
tout d’avoir un œil en haut et un œil en bas.
Mais personne ne lui demandait son avis.